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Samedi 23 novembre, Sorbonne salle Perroy, 14-16h. Si vous désirez participer veuillez contacter Stéphane Lamassé Stephane.lamasse[at]univ-paris1.fr
Iolanda Ventura (univ. de Bologne) présentera et discutera les questions médicales contenues dans des recueils “scholastiques” tels que le manuscrit Vat Lat 2418 (copie). Les collections de questions médicales appartiennent aux typologies de textes de médecine qui ont attiré beaucoup d’attention pendant les dernières années. De tels recueils sont en train d’être étudiés en profondeur. Le but de la communication n’est pas stricto sensu l’analyse de ce recueils en tant que témoins de l’écriture médicale dans les universités, mais leur étude en terme de traitement de questions liées au domaine de la pharmacopée et de la pharmacologie, et de développement de séries de questions canoniques dans ces domaines. On m’intéressera donc 1) au choix des sujets de débats et à leur mise en séquence et en contexte dans ces recueils, et 2) à leur relation avec l’insertion de questions concernant les mêmes sujets dans les commentaire aux manuels de médecine.
Stéphane Lamassé (LAMOP) discutera de la raison d’être des problèmes mathématiques dans le célèbre Triparty en la science des nombres de Nicolas Chuquet (2è moitié du 15è siècle). L’étude des problèmes de ce traité et de leurs séquences peut permettre de mieux comprendre son contexte de production, ainsi que les finalités que Nicolas Chuquet a pu souhaiter donner à son oeuvre. C’est en tout cas ce que nous essaierons de montrer en comparant la ré appropriation des problèmes qu’il propose de ceux plus anciens mais aussi de ceux de ses contemporains.
]]>Lieu: Centre Koyré, salle de réunion 400 (4ème étage).
Cet atelier de lecture complète un atelier sur le même thème, organisé l’an dernier à peu près à la même date (annonce), mais qui n’avait pu être suffisamment approfondi.
Pour mémoire, il est en lien à une entreprise de traduction des livres grecs et arabes de Diophante d’Alexandrie (publication prévue chez Routledge). Dans la séance, et à partir d’un choix de textes issus de cette nouvelle traduction, on discutera des questions liées au langage et au vocabulaire de ce texte d’un texte qui a la forme de problèmes arithmétiques mis en série (voir 3è et 6è articles de la synthèse de 2015). Cette lecture soulève la question de la traduction du texte dans les langues modernes, notamment l’anglais et le français) et de son vocabulaire particulier.
This workshop is devoted to the examination of two chapters of the future publication that will conclude the “series of problems” project.
The first one, by J. Oaks and J. Christianidis, draws on previous sessions (2017, 2018) and will bear on the technique known in Arabic as «al-istiqrāʾ», which has also recently been dubbed the «plasso-method». The early eleventh-century mathematician al-Karajī classified polynomials for his explanations of the step of al-istiqrāʾ in his book al-Badīʿ. Christianidis and Oaks will investigate possible relationships between the seriality in al-Karajī’s classification and the seriality of its application in the surviving Greek and Arabic books of Diophantus’s Arithmetica.
The second one, proposed by Jean-Marie Coquard, amplifies his contribution to the 2015 online publication (2015). The objective was then to show how Stevin’s Dialectike and its method, following a linguistical and philosophical tradition, is used in his L’Arithmetique (1585). With a series of problems, Stevin strengthened and renewed arithmetical texts which go progressively from integers to algebraical numbers. We can go further demonstrating this series of problems supports mathematical developments, on the definition of numbers and on the importance of operations, allowing a movement towards symbolic algebra. We can particularly articulate the series of problems and Diophantus’ Arithmetica with the role played by geometrical series in the writing of a new “arithmetica integra”.
The workshop will give us an opportunity to discuss the format of the contributions and the way by which access could be given to original translations of the texts discussed.
]]>Lieu: centre Koyré (salle du 4ème étage – accès). Date et horaires: vendredi 7 juin 2019, 14h-18h. Le nombre de places étant limité, merci de prévenir de votre venue (alain.bernard@u-pec.fr).
Cette séance prolonge et approfondit deux séances sur des thématiques très proches organisées le 7 mai 2018 (annonce) et le 19 octobre dernier (annonce et compte rendu). Il vise à préparer un des chapitres de l’ouvrage collectif qui permettra de conclure le projet “séries de problèmes”.
Pour mémoire, lire les Eléments de Géométrie de Clairaut implique d’analyser le texte, notamment le lien qui unit la préface philosophique du traité, et les problèmes traités en son sein. Mais la facture et l’ambition du traité interrogent également les milieux très particuliers auxquels son père l’avait introduit, notamment la Société des Arts parisienne, ainsi que les ouvrages de géométrie, pratique ou théorique, dont Clairaut s’inspire probablement. Il s’agit donc de questionner la technique d’écriture et de rédaction de Clairaut, à la lumière des techniques intellectuelles et des enjeux politiques propres à son temps.
L’objectif de cette séance est de présenter l’avancement du travail d’enquête terminologique sur les éléments clés du vocabulaire de Clairaut (A. Bernard, K. Gosztonyi), et de le mettre en rapport avec le vocabulaire repérable dans les traités de géométrie pratique et de fortification étudiés par F. Métin, ainsi qu’avec l’inventaire des éléments de contexte permettant de cerner le projet de Clairaut, entrepris par C. Darley. Nous discuterons également de la place que pourra prendre cette étude dans deux projets en construction: (a) le projet éditorial qui conclura le projet “séries de problèmes”; (b) le projet de recherche sur la place du dessin dans les Sociétés des Arts.
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Alain Bernard, 20 octobre 2018 / révisé le 14 janvier 2019 en fonction des remarques de Catherine, Frédéric, Katalin. Certains échanges plus développés donneront éventuellement lieu à d’autres billets. Ce billet suit un atelier organisé le 19 octobre dont l’annonce, comprenant la référence aux textes discutés, se trouve ici: https://problemata.hypotheses.org/568.
Introduction et présentation
La comparaison critique, dans le cadre d’un atelier de lectures du projet « séries de problèmes », de deux passages du traité des Éléments de Géométrie de Clairaut, a permis de dégager de nouvelles pistes de lecture sur le texte. Je résume ici, à partir de mes notes de séance, ce que sont d’après moi les principales de ces pistes. Un des grands intérêts de la séance était de profiter de la présence de Frédéric Métin (Université de Bourgogne), qui a déjà participé aux travaux du centre sur les mobilités d’ingénieur via son étude sur Jean Errard de Bar-le-Duc (annonce et publication), et qui a pu proposer de multiples pistes de lecture tirées de la comparaison avec les textes qu’il a étudiés en priorité.
Je commence pour cela par (1) récapituler les enjeux du travail préparatoire à cette séance, qui a notamment permis de choisir les deux passages à comparer, et formuler les principales questions adressées aux textes. Puis je dégage deux groupes d’idées majeures concernant soit l’analyse soit la contextualisation du traité : (2) le rapport entre le traité de Clairaut et les traités pratiques, notamment ceux de géométrie pratique ; (3) le rapport entre le traité de Clairaut et la géométrie savante, au-delà de la critique apparente qu’il fait de cette dernière. Je conclus par (4) la discussion du rapport entre analyse du texte, et contextualisation au sens strict.
1. Le travail préparatoire
Il s’agit d’un travail d’analyse et tout à la fois de contextualisation des deux traités d’Éléments de Clairaut (Éléments de géométrie, Éléments d’algèbre), conduit par Katalin Gosztonyi, Catherine Darley, moi-même, depuis un an. Du côté de l’analyse, il s’agit de comprendre la structuration du texte, sa logique, et le degré de correspondance entre cette logique effective de rédaction et celle qui est explicitement annoncée dans le projet d’écriture de Clairaut, décrit dans ses préfaces. Pour cela une méthode est mise en place, inspirée par celle que Katalin a proposé pour rendre compte de l’enchaînement des problèmes et questions dans deux chapitres des Jeux avec l’infini de R. Péter (résumé de son travail dans Gosztonyi 2015). Il s’agit donc de fonder la possibilité d’organiser un « graphe » de l’enchaînement des problèmes chez Clairaut, mettant à jour la logique profonde de cet enchaînement, pour examiner si cette logique correspond effectivement à ce qu’annonce Clairaut, et jusqu’à quel point elle le fait.
Une étape préliminaire à cette analyse (pour des raisons qui ne peuvent être développées ici) consiste à suppléer à un défaut intéressant de la structuration du texte par Clairaut lui-même : si Clairaut a une préface générale, expliquant le sens et l’objectif profond du traité ; des préfaces partielles à chacun des quatre livres, expliquant l’objet de chacun (I. Mesure des terrains ; II ; mesures des surfaces rectilignes ; III. Mesure de surface curvilignes ; IV Mesure des solides) ; s’il a un découpage par articles pour chacun des livres ; il ne signale pas de stade intermédiaire qui permettrait d’organiser des sortes de « chapitres » dans chacun des livres : les articles se suivent selon une logique locale, chaque conclusion d’article ouvrant vers de nouveaux développements qui font l’objet des articles suivants. Pourtant, on s’aperçoit vite, au moins pour une partie du livre I, qu’un autre mode d’organisation structure le texte, suivant ce que nous avons appelé provisoirement des « problèmes générateurs » qui sont comme des « têtes de chapitre », et ils sont générateurs au sens où ils engendrent l’énonciation de toutes sortes de problèmes dérivés qui apparaissent comme autant de préconditions pour énoncer une solution ou procédure générale de ces problèmes. Les principaux dans le livre I, tous d’allure pratique, sont (1) la mesure des terrains par approximation et découpage en triangles ; (2) la mesure des terrains par report à l’échelle un pour un ; (3) la mesure des terrains par réduction et mise à l’échelle ; (4) la mesure et le report des angles ; enfin (5) la vérification de la mesure des angles. Ils sont tous caractérisés par des articles (souvent non signalés dans la table des matières de Clairaut !) qui introduisent ces problèmes les énoncent, souvent d’une manière très verbale et prolongée, et d’autres, plus loin, qui livrent une sorte de solution générale à chaque problème. Entre les deux, un certain nombre de « sous-problèmes » ont été introduits, le plus souvent d’allure théorique, qui trouvent leur justification finale dans le fait qu’ils permettent de construire une solution. (( Tous les problèmes théoriques introduits dans le livre I, ne relèvent pas tous de cette logique de “dérivation” mais d’une logique différente qui reste à explorer. ))
L’atelier a ainsi été préparé par une table synoptique, qui n’est encore qu’une ébauche, et met en valeur ces transitions (lien). Elle permet de repérer dans les livres I et II les grands « blocs » de problèmes principaux que Clairaut entend à la fois traiter, et en faire le prétexte à l’introduction de notions et méthodes nouvelles. La difficulté, c’est que si les problèmes générateurs du livre I sont d’allure pratique, ceux des livres II, III et IV ressortent explicitement de la théorie géométrique. On peut donc se demander si cette lecture structurante par « problèmes générateurs » fonctionne de la même façon pour ces livres plus théoriques, que pour le premier. D’où l’idée de faire une comparaison critique entre deux tels « blocs », l’un pris au livre I, l’autre au livre II, chacun répondant à un seul et même problème générateur.
Du côté de la contextualisation, il s’agit autant que possible de mettre en regard les particularités du projet d’écriture des mathématiques « par problèmes », de Clairaut,1 avec différents éléments d’environnement familial, social, culturel :
- D’un point de vue familial, que peut-on tirer de ce qu’on sait du contexte très particulier dans lequel il est éduqué, aux mains d’un père (J.B. Clairaut) qui évolue d’une part dans un milieu d’ingénieurs et de militaires (la carrière militaire aurait été du reste celle à laquelle Clairaut aurait d’abord rêvé) et aux méthodes pédagogiques très inventives. Catherine D pense aujourd’hui qu’un axe d’interprétation possible des particularités « didactiques » du traité pourraient s’interpréter, en fonction de l’expérience de Clairaut fils comme apprenant. Tout se passe comme si, pour mieux souligner l’importance de l’esprit d’invention, de la découverte par soi-même, Clairaut retraçait son propre mode d’accession au savoir.
- D’un point de vue social, on sait que Clairaut père entraîne précocement le fils à participer à l’éphémère « société des arts » très étudiés par les collègues qui ont recherché soit les racines de l’encyclopédisme de Diderot et d’Alembert, soit par les collègues qui s’intéressent aux origines d’un discours « technologique » ainsi qu’à sa signification dans le mouvement des lumières. Le livre récent de Paola Bertucci, Artisanal Enlightnement (présentation) offre à cet égard une synthèse particulièrement éclairante des questions soulevées par ces initiatives mêlant ambitions politiques et parti-pris épistémologiques très marqués.
- D’un point de vue culturel, on s’intéresse à la manière dont le projet philosophique de Clairaut s’inscrit dans un mouvement d’idées plus général, pour promouvoir, en mathématiques et au-delà, l’esprit d’invention2 ; et dans quelles mesure ces idées répondent aux idées du temps, notamment dans ces milieux « d’artistes » au sens où l’entendent les contemporains et que met en valeur Bertucci.
Ces trois approches convergent sur une question délicate : dans quelle mesure y a-t-il continuité ou non, entre le mode d’écriture de Clairaut, ainsi que les ambitions correspondantes, et ceux d’auteurs de traités semblables à l’époque : traités de géométrie, de caractère élémentaire, méthodique, pratique ; traités pratiques « réduits en art ». L’expertise de spécialistes tels que Frédéric est sur ce point particulièrement éclairante car elle permet d’approfondir cette nécessaire mise en perspective, qui revient finalement à étudier l’épineuse question du degré d’originalité de Clairaut. Car ses textes d’Eléments sont clairement reconnus à l’époque comme une innovation heureuse et recommandable (( voir les réactions relevées dans le beau site d’Olivier Courcelles, au sujet du traité )) ; mais ils sont aussi en continuité avec différents types de genres littéraires existants. Une solution tentante du problème est d’ailleurs de regarder les textes d’éléments comme une synthèse particulièrement originale et réussie, de ces différents modèles.
Frédéric propose ici de faire une distinction chronologique importante : qu’est-ce ici que “l’époque”? Dans le cadre de la discussion de mi-octobre, il se proposait de comparer le texte de Clairaut avec ceux du siècle précédent ; mais il est d’accord sur le fait qu’il faudrait en fait étudier les géométries pratiques telles qu’elles s’écrivent au début du 18e. Frédéric a l’intuition – à confirmer- que celles du 18e sont beaucoup plus savantes, s’apparentant aux pratiques de construction de problèmes sans s’attacher plus que ça aux questions de terrain. Il propose l’exemple d’Ozanam, ou de Manesson Mallet, qui inscrivent leurs géométries dans des traités épais et complets ; ou carrément comme Ozanam dans une œuvre ayant déjà un caractère encyclopédique et balayant toutes les mathématiques “mixtes”.
2. La place de la « pratique » dans le traité de Clairaut, et la manière d’approfondir cette lecture
Beaucoup des réactions de Frédéric à la lecture proposée, particulièrement (mais pas exclusivement) sur le premier extrait (du livre I) peuvent se comprendre comme des comparaisons avec la littérature des géométries pratiques, ou avec la littérature pratique en général (modulo la remarque ci-dessus, fin du §1). Je relève ici les principaux points de comparaison et de discussion :
- La place de certaines gravures dans les planches, qui empruntent leur codification graphique à celle des cartes de l’époque. Cela débouche sur une question plus générale, puisque ces figures traduisent étroitement la signification accordée à ces problèmes pratiques dans le texte même : les principaux énoncés « générateurs » du livre I, sont-ils reconnaissables sur la planche des figures, en fonction de l’apparence « pratique » d’un certain nombre d’entre elles ?
- La place du langage procédural dans les Eléments, qui est du point de vue Clairaut, et selon son vocabulaire, celui des « opérations ». Ainsi, nous avons longuement discuté de l’article XXIX, que Frédéric propose de lire comme une sorte d’incise, de « greffon » procédural, tiré d’une géométrie pratique, sur la progression de Clairaut. Or ce « greffon » a en partie une justification notionnelle : vu comme une opération alternative à la première procédure « instrumentale » de report d’angle, vue à l’article précédent, il donne l’occasion d’introduire la notion de corde d’un arc de cercle ; ainsi que l’occasion d’introduire une justification, en référence à un article précédent. Mais surtout, le cœur de la question sous-jacente porte sur tous les passages procéduraux du même genre qui ne sont pas l’exception mais plutôt la règle : introduits généralement au titre « d’opérations », parfois appelés « manières »3 par Clairaut, ces « greffons procéduraux » sont essentiels à l’économie du traité : comme ici pour la corde, les procédures sont l’intermédiaire entre un énoncé, et la « relecture » en termes de justification, qui permet notamment d’introduire des énoncés, des notions ou des éléments de preuve.
- Il n’en reste pas moins qu’il peut s’agir effectivement d’une sorte d’emprunt stylistique aux géométries pratiques, et à ce titre il serait intéressant d’approfondir cette question en faisant des comparaisons concrètes. Frédéric remarque à ce sujet, que les manipulations d’aires « savantes » du livre II (donc lisibles dans le deuxième extrait) sont aussi un sujet classique des géométries pratiques. Il faudrait donc probablement se garder, de ce point de vue (procédural) de faire des oppositions trop rapides, entre le livre I, et les livres II et III qui relèvent d’une géométrie plus savante et « exacte ».
- La structure du traité, la logique même à laquelle Clairaut dit vouloir obéir dans l’introduction du livre IV, ressemble fort à une structure classique de traité de géométrie pratique, qui reprend l’ordre des figures savantes, classé en lignes / surfaces / volumes pour ordonner les problèmes de mesure.
- Enfin se pose le problème délicat de la nature des géométries pratiques, et le cas de Errard de Bar-le-Duc est particulièrement intéressant à cet égard. Car toutes n’ont pas les mêmes ambitions. Ainsi Raynaud dans son recueil sur la géométrie pratique dans les temps modernes (Géométrie pratique, PUFC 2015), n’hésite-t-il pas à classer grossièrement les traités de G.P. suivant leur style, certaines étant plus démonstratives (il range sous cette catégorie les traités de Errard et de Servois, bcp plus tard) d’autres procédurales (les exemples sont ici Leclerc et Mascheroni). Clairaut n’est donc pas tout à fait original dans la manière dont il essaie d’articuler géométrie pratique et savante, ni dans son emphase sur la nécessité d’introduire à la géométrie savante par la pratique.
Frédéric propose une comparaison entre le traité de Clairaut, et la logique du traité de géométrie pratique de Marolois : cela permettrait en effet de remettre en chantier l’ensemble de ces questions, à partir d’une comparaison plus précise encore, entre les manières d’écrire, d’organiser les traités et entre les intentionnalités complexes des auteurs. Il suggère aussi d’essayer de connaître le catalogue de la bibliothèque des Clairaut (idée déjà suggérée par Catherine dans ses travaux).
3. les Éléments de Géométrie de Clairaut et la géométrie Euclidienne ; le principe du « ratissage »
Un élément récurrent de discussion est la place accordée à la géométrie savante -celle d’Euclide- dans l’économie du traité de Clairaut. La critique célèbre de l’ordre des matières dans la géométrie dite « classique » (qu’il faudrait d’ailleurs pouvoir identifier de plus près, pour comprendre à quel type de traité, et armé de quels commentaires, elle correspond) qui ouvre la préface de Clairaut, ne signifie pas stricto sensu que cette géométrie soit révoquée, ou même que sa connaissance ne soit pas présupposée. Outre le fait que ce n’est pas ce que Clairaut dit lui-même dès les premières phrases de sa préface, la discussion montre au contraire que plusieurs aspects du texte vont contre cette interprétation radicale :
- La mention des géométries ou termes « ordinaires », ce qui signifie donc que le lecteur -du moins le lecteur savant- doit considérer comme ordinaire certains termes ou expressions de la science ;
- La mention répétée des « Géomètres » comme un type de savant légitime ayant son vocabulaire propre, qu’il s’agit de s’assimiler ;
- La présupposition implicite que certains types d’objets sont connus, comme par exemple au début du livre II, les différentes espèces de figure : le problème générateur posé (assembler des figures de même espèce en une seule de la même espèce, ou décomposer une figure d’espèce donnée en figures de la même espèce) est ensuite décliné suivant deux espèces principales : les rectangles, puis les carrés – et tout ceci, sans explication très détaillée sur ce point, comme s’il était connu. Or il s’agit bien, dans une perspective typiquement euclidienne, d’espèces différentes de figures : le carré n’est pas un cas particulier de rectangle, mais ce sont deux espèces particulières du même genre : le quadrilatère ((voir à ce sujet les commentaires détaillés de B. Vitrac sur les définitions 20 à 22 du 1er livre des Eléments)). Ce point est d’autant plus intéressant qu’il est en contradiction avec la façon dont rectangle et carré sont introduits au livre I (article 4) d’une façon qui suggère qu’un carré est à la fois carré et rectangle
Ce point pourrait d’ailleurs être ajouté au précédent, car le rapport entre géométrie savante et géométrie procédurale ou « pratique » est souvent un enjeu majeur des traités du type « géométrie pratique ». A titre d’exemple, Errard (qui n’hésite pas quant à lui, assez pédagogiquement, à proposer une liste de définitions au début de sa géométrie) indique bien qu’il envisage deux types de de lecteurs pour son traité : les rudes d’un côté (ignorants de la géométrie a priori) et les doctes (ou savants) de l’autre, qui retrouveront grosso modo les matières qu’on s’attend à voir abordées dans une géométrie savante. Il est lui-même l’auteur d’une traduction française, en rendant donc l’usage commode, des six premiers livres des Éléments, qui comportent tout ce qu’il y a d’essentiel pour la géométrie commune.
Une interprétation charitable des critiques de Clairaut, au regard de son usage, et conforme à son propos, serait de considérer qu’il ne conteste pas l’existence de géométries savantes, mais bien plutôt l’ordre dans lesquelles elles introduisent les matières. Cet ordre d’introduction ne rend pas justice en effet à leur signification possible, à leur pourquoi, et c’est un des points que nous avons rediscutés. Mais cela ne dispense donc personne, passée l’introduction, de prendre connaissance d’une telle géométrie et d’en comprendre les critères : c’est aussi ce que suggère Clairaut au fil du texte. Dans la discussion, Katalin a suggéré que cette ambition, du point de vue du lectorat, pouvait s’interpréter comme chez Errard par l’ambition de toucher un lectorat multiple, comprenant des enseignants ou des mathématiciens dont il serait naturel de présupposer une connaissance préalable de la géométrie. La simple mention des “commençants”, auxquels on ne s’adresse pas en première personne, semble d’ailleurs aller dans ce sens4
Ce point de vue est important et permet notamment de rendre compte d’un principe de composition manifeste, obéissant au principe que Frédéric appelle joliment de « ratissage » : comme on l’a vu ci-dessus dans la présentation du travail préparatoire, certains problèmes ne sont manifestement introduits, qu’en fonction du bénéfice qu’on peut en tirer pour introduire une notion nouvelle. Dans les exemples évoqués lors de la séance, il s’agit par exemple :
- Des différents problèmes de report du triangle, qui donnent l’occasion d’exposer les cas d’égalité des triangles ;
- La construction alternative du report d’angle, qui permet d’introduire le concept de corde ;
- Le problème de transformer un rectangle quelconque en un autre, de même superficie et de hauteur donnée, qui conduit à une longue digression introduisant le vocabulaire des proportions ;
- Le fait de défendre explicitement les exigences légitimes de la géométrie, qui cherche l’exactitude et la démonstration, de préférence à des procédés approchés : c’est un des propos explicites du livre II ;
- À un niveau plus structurel encore, dans le livre II, l’introduction de théorèmes sur les aires permettant de fonder la critique des jeux d’échelle qui permettaient une première fois d’introduire, dans le livre I, la notion de proportion.
Tout se passe donc comme si les théorèmes, notions et méthodes de la géométrie savante jouaient en partie le rôle de « cause finale » dans la construction du texte, ce que Clairaut indique lui-même dans la préface, quand il annonce pouvoir, par son mode d’écriture, introduire tout ce que la géométrie a de plus intéressant. Ceci présuppose donc, un peu comme le fait Errard, que toute personne un peu versée dans la matière pourra reconnaître qu’on retrouve pour l’essentiel un tel « bagage géométrique ». Ceci pourrait être mis plausiblement en rapport, comme le suggèrent aussi bien Frédéric que Catherine, avec le fait qu’Alexis Clairaut est précocement admis à l’Académie, en vertu de ses premiers travaux de géométrie abstraite.
Ce principe du ratissage va de pair avec une autre critique de Frédéric sur le terme de « problèmes dérivés » (comme le problème de construire un triangle de même grandeur qu’un autre, connaissant les côtés de ce dernier), par opposition au « problèmes générateurs » (comme le problème de reporter à l’échelle 1 pour 1 une figure polygonale). Il remarque à juste titre qu’ils ne sont pas généralement « dérivés » dans un sens logique étroit et habituel, mais plutôt dans un sens analytique, parce qu’ils permettent de construire une solution globale au problème générateur. La construction complète d’une solution vient ici témoigner, un peu comme dans une synthèse, de la réussite du montage et la « dérivation analytique », qui relève de l’invention.
D’autre part, le repérage, dans la table des matières, de l’ensemble des résultats de la géométrie savante qui se trouve ainsi introduit, reçoit ici une nouvelle interprétation : on pourrait le voir comme la « preuve » visuelle, commode, qu’on retrouve bien ce qu’on s’attendrait à trouver dans une géométrie commune, quoiqu’ordonnée d’une manière nouvelle. Cette organisation est probablement à mettre en regard des entreprises encyclopédiques qui profitent des problèmes pour introduire une matière, mais permettent de retrouver un contenu attendu (cf. recherches de Iolanda Ventura sur le sujet, voir sa synthèse).
4. Analyse du texte, et contextualisation
Les deux types de discussion permettent de mieux comprendre comment s’articulent l’effort d’analyse du texte, avec celui de la contextualisation au sens strict, c’est-à-dire de mise en rapport du traité de Clairaut avec le réseau de textes qui lui ressemblent ou qui ont pu en inspirer la composition. Les deux types de texte qui sont mis en jeu sont, d’un côté, les textes de géométrie pratique, dans toute leur variété et leur complexité, que masque le titre apparemment univoque5. De l’autre il y a les textes dits « élémentaires » de géométrie, qu’il faudrait là aussi identifier plus en détail, et de manière à ce qu’on sache s’ils incluent ou non les commentaires traditionnels, notamment ceux de Proclus.
- D’abord appliqué à la géométrie, étendu à l’algèbre ; et que l’auteur comptait enfin étendre encore dans un traité plus complet, d’application de l’analyse à la géométrie – texte qu’il n’a jamais publié, s’il l’a même préparé
- Catherine précise qu’en suivant Bertucci, ce mouvement d’idées plus général autour de l’esprit d’invention est à relier à Bacon dont l’influence sur les différents projets de réduction en arts est essentielle. Frédéric suggère quant à lui, de comparer le type de récit de Clairaut avec ceux des Encycopédistes. Je pense en particulier au retour incessant à la genèse de l’art, vue comme inscrite dans l’histoire.
- Frédéric remarque que ce terme est très utilisé en fortification jusqu’à la fin du 17e pour indiquer un ensemble de contenus appartenant aux différentes écoles (nationales) de fortification: forme des forteresses, algorithmes de tracés, moyens mathématiques des preuves apportées. Il y a donc là une question à approfondir
- Cette interprétation serait facile à étayer en fonction de la réception de l’ouvrage chez ses contemporains, comme l’indique le site d’Olivier Courcelle
- celle de Sébastien Leclerc, qu’évoque Catherine dans ses recherches en référence à un ouvrage trouvé dans la bibliothèque de Jean-Baptiste Clairaut, est probablement à considérer en tout premier lieu
Mercredi 19 décembre, 14h-16h, Centre A. Koyré.
Organisateurs: G. Cifoletti (EHESS, Centre Koyré) et G. Chambon (EHESS, ANHIMA). Intervenante: S. Démare-Lafont (EPHE / Université Paris 2)
Dans le prolongement d’une journée d’étude organisé en 2012 dans le cadre du projet, il s’agit d’étudier le principe de sériation dans les documents à caractère juridique, écrit en cunéiforme, afin d’identifier des “pratiques intellectuelles” cohérentes dans le système de pensée des Mésopotamiens, ainsi que leurs formes expression. Il s’agit à terme d’établir méthodologiquement un cadre comparatiste avec d’autres productions de cette culture, qui s’organisent aussi en série, avec une terminologie spécifique et une mise en ordre sous forme de récapitulatifs : les textes comptables établis dans les institutions (palais, temples). Ce dernier genre de document, qui par son caractère laconique et stéréotypé en lien avec le quotidien ne semble a priori ne pas se prêter à l’étude des pratiques intellectuelles, peut dévoiler, grâce à cette approche comparatiste, une forme de rationalité qui va au-delà de la simple réalisation mécanique de calculs ou le report de données effectives et répond à des phénomènes de normalisation et de sériation, par et pour l’écriture, qui se réfère à des modèles et représentations sociales particulières. Cette comparaison des formes de rhétorique sera en particulier mise en parallèle lors des discussions avec le cas des juristes de la Renaissance, qui offre un terrain d’étude privilégié entre les normes du domaine du droit et les normes du domaine des mathématiques.
Mise à disposition des textes: Des traductions en français des textes cunéiformes (juridiques et comptables) seront données, ainsi que leur transcription en langues anciennes (akkadien ou sumérien), l’objectif n’étant pas d’effectuer une analyse philologique pure mais une réflexion sur le rôle de la terminologie dans la structuration des textes et les processus de normalisation.
]]>Organized by Alain Bernard (Centre A. Koyré), Gregory Chambon (ANHIMA). Discussion : Christian Jacob (ANHIMA)
Argument (A. Bernard)
Ancient scientific commentaries, like Theon of Alexandria’s extensive commentaries on Ptolemy’s Almagest or Handy Tables (or both) are highly interesting testimonies in spite of their poor reputation. Sometimes evaluated as the reflect of untalented or short sighted courses on Ptolemy’s astronomical treatises and tables (Rome 1936) or as paradigmatic examples of « derivative » or « deuteronomic » texts that held as a characteristic of late antique scientific literature (Netz 1998), their precise cultural and historical value is not so easy to evaluate. Much progress has been done in this direction, through the general perspective of the study of commentary techniques in the same period (Most 1999) : this has led A. Jones to propose a new evaluation of this kind of literature (of which Theon is not the only representative) in relation to the « classicization » of Ptolemy’s Almagest (Jones 1999), and I have also proposed to match I. Sluiter’s general characterisation of the system of values of ancient commentators (Sluiter 1999) with the particularities of Theon’s commentary (Bernard 2014).
More recently, the question of the worth of Theon’s commentary has been renewed through the recognition that the arabic-speaking philosopher al-Kindi grounded his « mathematical » philosophy of knowledge on the reading of the Almagest as well as on Theon’s commentary to it (Gannagé 2016). This is based on the ground breaking work initiated by J. Feke to delineate the coherency of Ptolemy’s philoosphical system (Feke and Jones 2010; Feke 2018). In this context, I have contributed to the discussion by showing that Theon’s commentary on Ptolemy’s « philosophical preface » to the Almagest is structured around two main difficulties of the text, that Theon sets up to elucidate in accordance with the general principles of his own commentary (Bernard, Alain, forthcoming). If we then name problems these exegetical difficulties brought out by Theon, the following general questions arise : to what extent is Theon’s commentary structured through such problems ? Of what nature are these problems ? Does the commentary as a whole constitue a series of such exegetical problems ? And then what is the meaning and structure of this series ? This is the kind of issues I would like to discuss through a choice of translated excerpts of Theon’s commentary.
References
Bernard, Alain. 2014. “In What Sense Did Theon’s Commentary on the Almagest Have a Didactic Purpose?” In Scientific Sources and Teaching Contexts Throughout History: Problems and Perspectives, C. Proust and A. Bernard (dir), 95–121.
Bernard, Alain. forthcoming “Theon of Alexandria’s Commentary on Ptolemy’s Introduction to the Almagest.” In Ptolemy’s Philosophy and Its Reception in Greek, Arabic and Hebrew Thought, edited by Emma Gannagé and Alan C. Bowen. Brill.
Feke, Jacqueline. 2018. Ptolemy’s Philosophy Mathematics as a Way of Life. Princeton UP.
Feke, Jacqueline, and Alexander Jones. 2010. “Ptolemy.” In The Cambridge history of philosophy in Late Antiquity, edited by L.P. Gerson, 199–209. CUP.
Gannagé, Emma. 2016. “Al-Kindī, Ptolemy (and Nicomachus of Gerasa) Revisited.” Studia Graeco-Arabica, no. 6: 83–111.
Jones, Alexander. 1999. “Uses and Users of Astronomical Commentaries in Antiquity.” In Commentaries – Kommentare, edited by Glenn W. Most, 147–72.
Most, Glenn W., ed. 1999. Commentaries. Göttingen: Vandenhoeck und Ruprecht.
Netz, Reviel. 1998. “Deuteronomic Texts: Late Antiquity and the History of Mathematics.” Revue D’histoire Des Mathématiques 4 (2): 261–88.
Rome, Adolphe. 1936. Commentaires de Pappus et de Théon d’Alexandrie sur l’Almageste. 2, Commentaire sur les livres 1 et 2 de l’Almageste. Vol. 72. Studi e Testi. Vatican City: Biblioteca Apostolica Vaticana.
Sluiter, Ineke. 1999. “Commentaries and the Didactic Tradition.” In Commentaries – Kommentare, G.W. Most (ed.), 173–205. Göttingen: Vandenhoeck und Ruprecht.
]]>Lieu: salle 400 du centre Koyré (4ème étage, à gauche de l’ascenseur ou de l’escalier en sortant – accès). Horaires: 14h30-18h. Le nombre de places étant limité, merci de prévenir si possible de votre venue (alain.bernard@u-pec.fr)
Argument
Les Éléments de Géométrie rédigés puis publiés très précocement par le mathématicien Alexis Clairaut ont pour particularité d’être rédigés suivant un projet global, dans lequel la question de la problématisation du savoir géométrique (ou algébrique) tient une place centrale. Par problématisation du savoir il faut entendre ici une stratégie d’exposition et d’écriture qui privilégie systématiquement l’énonciation de problèmes dépendant les uns des autres (par des rapports d’antériorité ou d’analogie), les réponses procédurales ou « opérations » donnant l’occasion d’exposé des notions et des vérités géométriques. Cette « voie des problèmes » devient donc aussi une manière d’organiser le savoir géométrique ou algébrique, comme le montre la table des matières des deux ouvrages. Cette stratégie d’écriture est reliée à un projet d’ambition plus générale, qui n’est pas seulement d’introduire les méthodes, notions et vérités mathématiques, mais « d’accoutumer l’esprit à chercher », de lui donner un sens de l’esprit de découverte, en sciences comme en toutes choses. En faisant voir la raison d’être des vérités géométriques, en éclairant l’esprit sur leur pourquoi, on évite (nous dit spirituellement Clairaut) une introduction de facture euclidienne, qui ne propose « rien que de sec au Lecteur » ; et on habitue l’esprit à ne pas s’en contenter, mais à regarder au-delà, comme si l’on revivait le cheminement des inventeurs.
Lire et comprendre Clairaut implique donc d’analyser le texte, notamment le lien qui unit la préface philosophique du traité, et les problèmes traités en son sein. Mais la facture et l’ambition du traité interrogent également les milieux très particuliers auxquels son père l’avait introduit, notamment la Société des Arts parisienne. L’ouvrage récent de Paolo Bertucci, Artisanal Enlightenment (Yale Univ. Press, 2017), jette une lumière nouvelle sur les activités de la société et indique la possibilité de mieux comprendre la trajectoire de ses anciens membres: cette lecture peut-elle s’appliquer à Clairaut et pourquoi? Dans quelle mesure, corrélativement, l’ouvrage de Clairaut est-il lisible dans les termes des réductions en art étudiés dans l’ouvrage coordonné par H. Vérin et P. Dubourg? Toutes ces questions reviennent à questionner la technique d’écriture et de rédaction de Clairaut, à la lumière des techniques intellectuelles et des enjeux politiques propres à son temps.
Cette séance fait suite et prolonge une séance organisée en partenariat avec l’IREM de Paris Nord le 7 mai dernier (annonce). Si l’objectif prioritaire est de discuter de questions de recherche, il prolonge aussi des séances de lecture de l’IREM sur le même texte et permettra de discuter de stratégies d’enseignement par problèmes.
Modalités de l’atelier
L’atelier se fonde sur la comparaison critique de deux passages des Eléments de Géométrie de Clairaut dans l’édition de 1741, qui est accessible en ligne (lien): les articles 25 à 32 du livre I (p. 26 à 34), et l’introduction + les articles 1 à 22 du livre II (p. 73 à 94), en insistant particulièrement sur les articles 15 à 22. On expliquera en introduction le choix de ces deux passages, puis on discutera en commun des problèmes d’interprétation de leur structure.
]]>Lieu: Salle Perroy, Sorbonne (galerie Jean-Baptiste Dumas, 14 rue Cujas, escalier R, 2e étage)
Si vous souhaitez venir et participer aux discussions, il est impératif de nous prévenir à l’avance en écrivant à Stéphane Lamassé stephane.lamasse[at]univ-paris1.fr en raison des problèmes d’accessibilité de la Sorbonne: nous devrons fournir à l’entrée une liste des participants.
Cet atelier de lecture, qui fait directement suite à celui de juin 2017 (Lecture de problèmes indéterminés au Moyen-Âge arabe, « diophantiens » ou non) est en lien à une entreprise de traduction des livres grecs et arabes de Diophante d’Alexandrie (publication prévue chez Routledge). Dans la séance, et à partir d’un choix de textes issus de cette nouvelle traduction, on discutera des questions liées au langage et au vocabulaire de ce texte d’un texte qui a la forme de problèmes arithmétique mis en série (voir 3è et 6è articles de la synthèse de 2015). Cette lecture de textes mettra en perspective la question de la traduction du texte dans les langues modernes, notamment l’anglais et le français) et de son vocabulaire particulier.
]]>Centre Koyré, 4ème étage, lundi 7 mai, 16-19h. Le nombre de places étant limité, merci de prévenir de votre venue (alain.bernard@u-pec.fr)
Argument
Les Éléments de Géométrie rédigés puis publiés très précocement par le mathématicien Alexis Clairaut ont pour particularité d’être rédigés suivant un projet global, dans lequel la question de la problématisation du savoir géométrique (ou algébrique) tient une place centrale. Par problématisation du savoir il faut entendre ici une stratégie d’exposition et d’écriture qui privilégie systématiquement l’énonciation de problèmes dépendant les uns des autres (par des rapports d’antériorité ou d’analogie), les réponses procédurales ou « opérations » donnant l’occasion d’exposé des notions et des vérités géométriques. Cette “voie des problèmes” devient donc aussi une manière d’organiser le savoir géométrique ou algébrique, comme le montre la table des matières des deux ouvrages. Cette stratégie d’écriture est reliée à un projet d’ambition plus générale, qui n’est pas seulement d’introduire les méthodes, notions et vérités mathématiques, mais “d’accoutumer l’esprit à chercher”, de lui donner un sens de l’esprit de découverte, en sciences comme en toutes choses. En faisant voir la raison d’être des vérités géométriques, en éclairant l’esprit sur leur pourquoi, on évite (nous dit spirituellement Clairaut) une introduction de facture euclidienne, qui ne propose « rien que de sec au Lecteur » ; et on habitue l’esprit à ne pas s’en contenter, mais à regarder au-delà, comme si l’on revivait le cheminement des inventeurs.
Lire et comprendre Clairaut revient à la fois à analyser le texte, notamment le lien qui unit la préface philosophique du traité, et les problèmes traités en son sein, mais aussi à interroger le contexte dans lequel il évolue, ainsi et son héritage chez les philosophes, réformateurs et mathématiciens qui s’en sont directement ou indirectement inspirés. Quelles circonstances ont-elles historiquement poussé Clairaut à rédiger ces deux traités d’Éléments comme il l’a fait? Pour le comprendre, il faut notamment évoquer les idéaux et objectifs qui animaient les membres de la Société des Arts à laquelle son père, Jean-Baptiste Clairaut, l’avait très tôt introduit, et sur laquelle l’ouvrage récent de Paolo Bertucci, Artisanal Enlightenment (Yale Univ. Press, 2017), jette une lumière nouvelle.
Modalités de l’atelier
L’atelier est consacrée à un première mise à l’étude de cette double interprétation, à la fois mathématiques et « structurelle » et historique. Il permettra de préparer un article destiné à la revue Repères IREM sous le titre « Pourquoi lire Clairaut aujourd’hui? Enjeux mathématiques, historiques, et citoyens. » dont une première version sera soumise et discutée. Il est ouvert aux enseignants et aux chercheurs.
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Coorganisé et soutenu par Eötvös Loránd University of Budapest et l’Académie des Sciences hongroises, labex HASTEC (projet « séries de problèmes »), les IREM de Paris Nord et de Lyon, l’ESPE de l’académie de Créteil
Organisatrice Katalin Gosztonyi
Argument
Problems are traditionally the focus of many researches in mathematics education as well as in history of mathematics. While in many cases these researches treat problems in isolation, some recent projects concentrate on sets of problems, their organization, their variations and the links between them. Thus, historians in the HASTEC project examine the coherency and meaning of mathematical texts written as series of problems and solutions – this kind of textual organization being attested from antiquity to the present day and found in many different cultural contexts. In mathematics education, these questions appear in several different ways. Projects like the French DREAM try to construct long term teaching processes based on problems. In Hungary, where a strong tradition based on problems and mathematical discovery exists, current projects examine the role of series of problems in these teaching traditions: the way in which teaching and learning activities depend on the coherent ordering of problems. Several current mathematics education researches gain inspiration in the Chinese “variation method”. In these cases, questions of cultural transmission arise: for example, an Italian project examines the possibilities to adapt this Chinese method to the Italian context.
The aim of the interdisciplinary and international meeting organized in Budapest is to exchange about these different projects and perspectives: while they have neither exactly the same objects of study nor the same methodologies, there is enough proximity between these points of view and approaches to confront them. This dialogue should yields new perspectives and cross fertilization of our research perspectives.
This meeting is also an opportunity for the concrete encounter between various mathematics teaching cultures. Each of the participating groups and projects are mixed groups, composed of teachers, teacher trainers and researchers ‑ these qualities being not exclusive from each other. This professional diversity will also contribute to the variety of views that the meeting aims to confront.
Plus de details sur l’argument et les interventions sur le site du workshop: https://sites.google.com/view/variations-and-series/home
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Campus Jussieu (Métro Jussieu), Barre 15-16, 1er étage, salle 101
Cette journée est aussi l’occasion de préparer un numéro spécial de la revue Médiévales sur l’histoire des mathématiques.
Certains des exposés présentés ici (en particulier ceux de Stéphane Lammasé et Marc Moyon) entrent dans le cadre du travail sur les séries de problèmes et viennent enrichir la production de ce groupe.
En voici le programme détaillé
9h00-10h30 : Introduction
Sonja Brentjes (Max Planck Institute for the History of Science, Berlin, Allemagne), “Teaching Mathematical Knowledge at Madrasas – Questions and Challenges”
Eleonora Sammarchi (Université PARIS Diderot – CNRS, Laboratoire SPHERE UMR 7219, France), « Les collections de problèmes de la tradition arithmético-algébrique : l’algèbre en action »
10h30-11h Pause café
11h-12h30 Marc Moyon (Université de Limoges, XLIM, UMR 7252,), « Corpus arabo-latin et algorithmes médiévaux élémentaires »
Stéphane Lamassé (Université Paris Sorbonne, UMR 8589 – LAMOP), « Les recueils de problèmes mathématiques dans l’occident Médiéval»
12h30-14h Pause méridienne
14h-16h30 Nicoletta Rozza (University of Naples Federico II, Naples, Italie), “Observations on the Technical Vocabulary of Leonardo Fibonacci’s Pratica Geometrie“
Sabine Rommevaux-Tani (Université PARIS Diderot – CNRS, Laboratoire SPHERE UMR 7219), « Le nombre dans les Questiones mathematice de Radulphus Brito »
Mathieu Husson (CNRS, PSL-Observatoire de Paris-SYRTE), « Astronomie Alfonsine et mathématiques : perspectives de recherches sur les sources parisiennes »
]]>Si vous comptez participer, merci de préciser votre présence en écrivant à Stéphane Lamassé, stephane[dot]lamasse[at]univ-paris1[dot]fr. Les textes préparatoires sont disponibles sur demande
Argument, textes étudiés
Les propositiones d’Alcuin est un texte dont la structure, le contenu, l’auteur posent problème. Il est souvent invoqué comme fondement structurant à une tradition de problèmes qui a nourri l’apprentissage universitaire au côté de textes plus savants, ou plus pédagogiques comme celui de Sacrobosco, dès la fin du XIIe siècle. Pourtant, si les études abondent sur les problèmes mathématiques que l’on trouve dans différents textes du moyen âge, peu abordent la question de la série comme support possible pour une analyse de leurs traditions. C’est cette question que nous aborderons dans cette journée d’étude qui verra la confrontation entre le texte d’Alcuin tel qu’on le connaît par son édition et les premières collections de problèmes d’un genre similaire (cautelae, énigmes..) que nous avons pu repérer postérieurement à l’ère carolingienne.
La séance sera introduite par la présentation d’un projet de brochure IREM proposant une traduction d’une sélection de problèmes d’Alcuin, accompagnée de commentaires historiques et pédagogiques (A. Bernard, E. Rocher). Elle permettra ensuite de discuter la traduction d’un recueil de cautelae du 14ème siècle (S. Lamassé), . Elle est liée à la préparation d’un article de S. Lamassé pour la revue “médiévales” (présentation prévue en avril à l’IHP, voir l’annonce), et à la publication d’un article d’E. Rocher et A. Bernard à paraître en 2018 dans les actes d’un colloque tenu en juin 2006 à l’IREM de Grenoble (lien).
]]>Cette séance est mutualisée avec le projet de recherche “les lois du hasard: enjeux mathématiques, historiques et citoyens” soutenus par l’ESPE de l’académie de Créteil.
Argument
Il s’agit de comparer des textes du 20ème siècle relatifs à l’enseignement des probabilités par problèmes et aux réflexions qui ont progressivement motivé cet enseignement. On comparera les réflexions publiées en 1906 dans la Revue du Mois par Émile Borel sur la “valeur pratique des probabilités”, avec un texte de vulgarisation d’Alfred Rényi et la documentation hongroise liée à la réforme mise en place par Tamás Varga: extraits d’articles et de manuels scolaires ayant trait aux probabilités. Dans les deux cas, il s’agit d’examiner dans quelle mesure “l’écriture par problèmes” est liée à l’enjeu de promouvoir un enseignement des probabilités qui en valorise les enjeux sociaux et politiques.
Préparation de la séance
Les lectures prévues se feront en français ou en anglais et sont extraites des publications ci-dessous. Nous recommandons aux participants de consulter à l’avance d’un dossier constitué d’extraits de ces textes, disponible sur demande.
- Emile Borel (1906) “La Valeur pratique des probabilités” in Revue du Mois, avril 1906, repris dans “Le Hasard”, 1914, p. 214-233 (1ère partie du texte) En ligne
- Emile Borel (1906) “Sur la théorie cinétique des gaz”, A.S.E.N.S. vol.23: 9-32. (introduction). En ligne
- Emile Borel (1909): Éléments de théorie des probabilités. Paris: Hermann. (introduction et sommaire) En ligne
- Alfred Rényi (1972). Letters on Probability. Budapest: Akadémiai Kiadó.
- Tamás Varga, (1967). Combinatorials and probability for young children (vol. I). Sherbrooke Matehematics Project, University of Sherbrooke.
- Tamás Varga, (1982). “New topics for the elementary school math curriculum” in T. C. O’Brien (Ed.), Toward the 21st Century in Mathematics Education (pp. 12–34). Teachers’ Center Project, Southern Illionis University at Edvardsville.
Références bibliographiques complémentaires
- Bernard A (en cours de soumission), “Borel, la valeur pratique des probabilités et le débat sur la morale laïque au début du 20ème siècle”. v1 disponible sur demande à l’auteur.
- Gosztonyi K. 2015, (en ligne) “Séries de problèmes dans une tradition d’enseignement des mathématiques en Hongrie au 20e siècle” / “Series of problems in a Hungarian tradition of mathematics teaching in the 20th century” in Les séries de problèmes, un genre au carrefour des cultures, SHS web of conferences vol.22:00013. En ligne
- Gosztonyi K. 2017 “Understanding didactical conceptions through their history: a comparison of Brousseau’s and Varga’s experimentations”, in CERME 10, TWG 12 History in Mathematics Education, TWG12.PA7. En ligne.
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Les organisateurs de cette séance sont J. Oaks (Univ. of Indianapolis) et Jean Christianidis (Université d’Athènes, partenaire du centre Koyré).
Argument: Il s’agit de comparer le du traitement de problèmes indéterminés chez Diophante (recueil des Arithmétiques) et certains auteurs arabes tels Abu Kamil ou al Karaji, à partir d’un inventaire des problèmes indéterminés chez ces derniers. Cette journée s’appuie sur les études traditionnelle de Jacques Sesiano sur les problèmes indéterminés chez Abu Kamil (Centaurus XXI, 1977, 89–105; qui répondait lui-même à l’étude Schub et Levey (Centaurus XIII, 1968, 91–98). Dans son article Sesiano signale que “Enfin, l’intérêt de l’ouvrage [d’Abu Kamil] est encore accru par le fait qu’il explique certaines méthodes ne se trouvant nulle part dans les dix livres connus (sur les treize originels) [des Arithmetica de Diophante]”.
Un des enjeux est donc d’étudier en quoi les problèmes dits “diophantiens”, au sens qu’ils sont identifiés comme renvoyant à la traduction d’un texte antique classique, peuvent être distingués d’autres problèmes semblables mathématiquement, mais relevant d’autres traditions chez les auteurs arabes précités.
Cette séance se rattache donc à la question des traditions longues de problèmes, et de la transformation dans le temps de collections de problèmes déterminés (voir argumentaire de 2015, §2.2.4, pp.17-18).
Textes étudiés disponibles sur demande
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