| CARVIEW |
Human Remains in Society
Curation and exhibition in the aftermath of genocide and mass-violence
Exhumations in Latin America
Human Remains and Violence, Vol. 2, (2), Autumn 2016
Adivasi and Dalit political pathways in India
Focaal. Journal of Global and Historical Anthropology, Volume 2016, 3 issue 76 (winter)
La dynamique sociale des subjectivités en cancérologie
La mort du bourreau
Réflexions interdisciplinaires sur le cadavre des criminels de masse
The France of the Little-Middles
A Suburban Housing Development in Greater Paris
Faire tenir les murs. Pratiques professionnelles en milieu fermé
Sociétés contemporaines, n° 103
Mobilités et migrations européennes en (post) colonies
Revue Cahiers d’études africaines, n°221-222
City & Society 2016, vol. 28, n° 1
Colonialism, Law, and the City: The Politics of Urban Indigeneity
Être attaché temporaire d’enseignement et de recherche permet de préparer une thèse ou de se présenter aux concours de recrutement de l’enseignement supérieur tout en enseignant, en qualité d’agent contractuel. Un enseignement de 128 heures de cours ou de 192 heures de travaux dirigés ou de 288 heures de travaux pratiques par an doivent être assurés. » (https://www.education.gouv.fr/cid1217/les-attaches-temporaires.html#qu-est-ce-qu-etre-ater)
On peut être ATER à temps plein ou à mi-temps.
- 192h TD/an soit 8h environ par semaine ou 128h de CM
- Demi de 96h (64h CM).
Les ATER comprennent généralement : des cours, encadrement des étudiants, contrôle et surveillance des examens.
L’ATER perçoit un salaire de 1197,32 € nets mensuels à temps partiel et de 1657,87 € nets mensuels à plein temps, plus une prime annuelle de recherche et d’enseignement supérieur de 1228,93 € nets (la moitié pour un temps partiel).
2 Conditions pour postuler
On peut être doctorant.e, mais aussi fonctionnaire titulaire, enseignant.e chercheur.e, de nationalité étrangère etc. On s’inscrit dans « inscrit en vue de préparer un doctorat ou d’une HDR » et le directeur doit attester que la thèse peut être soutenue dans un délai d’un an (ce qui est plus souple que ça en réalité !).
On peut aussi être ATER une fois qu’on a soutenu son doctorat mais il faut s’engager à préparer un concours (de MCF ou de l’enseignement).
On peut faire 2 ans d’ATER (un an renouvelable une fois). Si on est fonctionnaire (par exemple titulaire du CAPES ou de l’agrégation), possibilité de faire 4 ans.
Il s’agit de contrat d’un an ou parfois 6 mois (ATER plein sur 6 mois donc payé pendant 6 mois à temps plein puis plus du tout, donc ça vaut plus le coup d’avoir un demi ATER). Ça a l’avantage qu’on peut faire plus que deux années universitaires, alors qu’un demi-ATER compte une année pleine (on ne peut faire que deux demi-ATER).
Attention: les contrats d’ATER de 9/11 mois sont illégaux, c’est juste pour ne pas payer les vacances !
Quand on a été pris comme ATER, la prolongation de l’ATER n’est pas un droit. Il faut refaire la campagne, même si même université. Légalement, on peut passer d’un temps partiel à un temps plein (ou l’inverse) au cours du contrat (dans les faits, ça se voit peu ou pas).
Cumul avec les autres activités:
- On ne peut pas cumuler deux demi ATER dans deux universités différentes.
Statistiques: 2500 appels à candidature, 10 000 candidats, 100 000 candidatures.
Postuler à un ATER: les contraintes à prendre en compte
> Transport
Il faut bien penser aux postes que l’on est capable de demander et d’accepter. Pour cela, la distance au domicile est très importante à prendre en compte : combien d’heures de train est-on capable d’assumer ? Il faut aussi prendre en compte le coût, puisque généralement, les transports ne sont pas pris en charge.
Cela dit, il ne faut pas hésiter à demander: Dans la fac d’une doctorante, ils prennent en charge la moitié de la carte Fréquence. Il ne faut pas hésiter à demander des infos mais aux services administratifs et pas au MCF qui ne savent pas toujours.
> Organisation des cours
Quand on est accepté, il est possible de discuter avec l’université pour les jours de cours, etc. Par exemple, si c’est assez loin, de mettre sa charge de cours regroupée sur un ou deux jours. Les négociations sont possibles.
3 Les sections auxquelles postuler
Ce sont les mêmes que pour MCF.
A privilégier pour les sociologues / démographes > Section 19 : sociologie démographie.
Mais selon les études que l’on a faites et les thèmes de notre thèse, on peut aussi postuler dans d’autres sections (en n’oubliant que si l’on est pris×e, il faudra préparer des cours dans cette spécialité, ce qui peut prendre beaucoup de temps !) :
- 70 : sciences de l’éducation.
- 74: STAPS.
- 20: ethnologie, préhistoire, anthropologue
- 71: sciences de l’information et de la communication
- 23: géographie
- 24: urbanisme
- 4: science politique
- droit, gestion…
4 Ouverture de la campagne
La campagne ouvre généralement en février.
L’année dernière, il y avait un Tumblr campagne ATER 2016 : on peut donc surveiller si un autre Tumblr est mis en place pour 2017.
On peut aussi s’inscrire sur le site de l’ASES et consulter le Wiki ATER 2017. Il n’est pas encore en place cette année, mais consulter celui de 2016 permet de voir les postes de l’an passé, les dates d’ouverture et de clôture pour postuler. D’une année sur l’autre, c’est quand même souvent les mêmes dates.
Postuler sur Galaxie sur une plateforme spéciale : ALTAÏR
90 % des postes d’ATER sont répertoriés sur Galaxie. Mais il n’y a pas certaines fac (comme Dauphine).
On peut s’inscrit à la lettre d’information Galaxie et choisir de recevoir des alertes pour les postes des sections qui nous intéressent.
Si la fac passe par ALTAÏR, il faut remplir une candidature sur ALTAÏR. Il faut mettre des petits morceaux du CV en postulant. Souvent il y a d’autres choses : autre plateforme, dossiers papiers, etc. Parfois les facs demandent des recommandés.
Attention, pour certaines plateformes spécifiques il y a un temps d’attente entre le temps où on s’inscrit et le temps où on peut utiliser la plateforme. Donc ne pas s’inscrire trop tard sur les plateformes !!
En clair: il faut s’inscrire le plus vite possible (dès maintenant, début février) car certaines campagnes ont déjà commencé et certaines sont même déjà clôturées (celle de l’université Bretagne sud par exemple).
5 Pièces justificatives
Doctorants ou doctorants contractuel.
- Si contractuel il faut mettre le contrat de travail, un CV, une lettre de motivation (à personnaliser si on sait les cours qui seront à assurer, en particulier pour les facs qui nous intéressent le plus).
- Souvent sont demandés : une attestation de réussite au Master, la carte d’étudiant×e ou le certificat de scolarité, la copie de la carte d’identité ou du passeport, une attestation de directeur disant qu’on soutient avant la fin de l’année universitaire.
- Lettre de motivation éventuellement personnalisée pour section et université concernée.
Parfois ils ne veulent pas la liste des articles et travaux dans le document imprimé donc à mettre dans un document à part.
Dans la lettre de motivation: Sujet de thèse, intérêt, méthode, cursus dans l’enseignement supérieur, expérience d’enseignement, autres expériences professionnelles, investissement dans missions pédagogiques et administratives.
Il faut remplir des fiches de candidature sur Altaïr : une par candidature et non pas une par fac.
Conseils généraux sur la campagne:
- Soigner la page du labo et la page doctorant IRIS en mettant les expériences d’enseignement.
- Envoyer beaucoup de candidatures. Ca permet aussi de faire un peu circuler le CV.
- Faire toutes les sections d’une fac d’un coup, c’est plus rapide
- Il y a parfois auditions mais c’est rare.
- Penser à bien noter le mot de passe pour ALTAÏR et conserver le mot de passe pour chaque site.
- Cibler les universités en termes de profils recherchés.
- Géographie : est-on prêt à bouger de Paris? La région parisienne est plus concurrentielle qu’ailleurs. Il y a des universités où les gens postulent moins.
Les dates de réponses varient : mai, juin, juillet, voire septembre. Il y a plusieurs vagues généralement donc il ne faut pas se décourager, notamment parce qu’il y a beaucoup de désistements, donc des possibilités d’être prévenu.e en septembre, voire en octobre : une fois que la campagne est terminée, il faut donc rester aux aguets et revenir dans une veille active fin août/début septembre car des postes peuvent circuler sur des listes professionnelles (ANCMSP, ASES).
Ils appellent ou envoient un mail pour prévenir qu’on est accepté×e. Généralement, ils ne donnent pas d’info quand on n’est pas accepté×e.
Pour l’organisation : l’idéal est de tenir un fichier Excel avec toutes les candidatures auxquelles on a postulé. Quand on en fait beaucoup c’est important parce que sinon à certains moments on oublie dans quelles fac on a déjà postulé.
Attention ! Le temps passé à la campagne est très important ! Cela peut aller jusqu’à presque une journée par semaine entre février et avril au cours de la campagne, il est donc important d’essayer de rationaliser au maximum la procédure.
6 Retours d’expérience sur les ATER
Avant de se lancer dans une campagne, il faut se poser plusieurs questions : A-t-on envie d’enseigner ? Envie d’être ATER ? Se dirige-t-on plutôt vers une carrière d’enseignement ou vers une carrière de recherche ?
- Il faut beaucoup fournir en termes d’enseignement.
- On peut s’organiser en allégeant un semestre et travaillant plus un autre semestre
Fichier excel rétro planning avec les dates + les pièces à joindre pour chaque dossier. Très important au moment du rush de mars/avril.
Les universités ont des demandes légèrement variables, ce qui rend les choses plus compliquées: par exemple PDF en une ou plusieurs pages.
Certaines facs ont leur site web, donc ça ne passe pas que par Altaïr.
Constituer un dossier type en faisant attention à ce que les universités demandent.
Bien changer les intitulés des universités.
ATER : statut qui nous permet de demander des choses. On n’est plus tout à fait un moniteur ou vacataire donc on est bien installé, on a généralement un bureau.
ATER : possible de le faire après la thèse aussi. C’est une stratégie parfois adoptée (attendre la fin de la thèse pour avoir deux ans pour « se retourner » après la soutenance).
Faut-il appeler les responsables d’enseignement ? C’est possible, mais à double tranchant : il y en a qui ne vont pas bien nous recevoir tandis que d’autres vont le voir de façon positive. Ce qui prend du temps est d’essayer de comprendre ce que les recruteurs (=équipe pédagogique) cherchent.
Lettre et CV : mettre en évidence l’enseignement. Regarder l’enseignement et le centre de recherche qui va nous recruter parce que c’est cela qu’il faut mettre en avant. Indiquer aussi les enseignements que nous avons suivis, aussi bien dans le CV que dans la lettre de motivation.
CV académique qui peut être long, il peut faire entre quatre et dix pages.
- Pas de photo, pas de monsieur, mademoiselle, madame.
- 1e page: résumé de ses recherches en cours. Thèmes de recherche.
- Diplômes.
- Enseignements: donner le volume horaire (128h sur deux ans). Donner le type d’enseignement : à quel niveau ? De quel type de licence/master ?
- Expérience de recherche : moins importante que l’expérience d’enseignement.
- Communications scientifiques et publications.
- Autres responsabilités dans le cadre de la carrière de chercheur: représentant-e-s des doctorant-e-s, animateur/trice du séminaire des doctorant-e-s, animation d’un séminaire de recherche, etc.
- Éventuellement : autres expérience professionnelles.
- Compétences informatiques / langues
Dans le CV, on met tout ce qu’on ne va pas pouvoir mettre dans la lettre de motivation. On peut connaître à l’avance les enseignements que l’on est susceptible de mener.
L’important est d’avoir un CV cohérent. Au début, on veut se vendre un maximum en mettant un maximum de choses. Si à un moment on sent qu’il est trop lourd, on allège.
Lettre de motivation :
Il faut se présenter comme enseignant, car on postule à un poste d’enseignement. On parle moins de notre expérience de recherche.
Il faut se renseigner parfaitement sur le centre de recherche, la méthodologie, etc. Le cas échéant, on peut essayer de montrer que notre recherche va pouvoir les intéresser. Pour la lettre de motivation, on peut aussi demander à des chercheurs de nous aider.
Il est important d’avoir enseigné si on envisage de postuler à un poste de MCF. Il s’agit d’un moment privilégié pour savoir si on aime ça : enchaîner les enseignements, faire des cours magistraux.
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Nous ne vivons pas dans un monde dépolitisé. C’est, en tout cas, le parti pris de cette quatrième édition du Colloque des jeunes chercheurEs en études critiques du politique, ouvert aux jeunes chercheurEs de tous les champs disciplinaires rattachés aux humanités et aux sciences sociales. Une conception aussi englobante et surplombante, qui caractériserait toute notre époque comme celle du retrait du politique, ou toute notre société comme celle de l’individualisme, nous semble être un bien mauvais point de départ à l’analyse lucide et détaillée du présent (au-delà même du fait qu’elle fonctionne, quoi qu’en disent ses théoricienNEs, comme un moyen supplémentaire de renforcer le monopole des professionnelLEs de la politique). Si nous voulons néanmoins conserver, interroger, travailler les catégories de politisation et de dépolitisation, ne serait-il pas préférable de les envisager dans leur tension, d’explorer les lieux et les rapports sociaux précis où ils sont à l’œuvre, de penser la multiplicité des processus locaux de politisation/dépolitisation qui traversent les sociétés ?
Quel sens donner à l’affirmation selon laquelle « tout est politique » ? D’un côté, à chaque point précis où il y a domination, asymétrie de pouvoir, monopolisation des décisions stratégiques par un groupe restreint, par exemple dans la sphère domestique, les rapports de travail, l’aménagement du territoire…, il y a conflit possible et émancipation possible, donc il y a de la politique. De l’autre, celle-ci n’existerait qu’en puissance, en chaque lieu où l’ordre social serait absolument naturalisé, où son arbitraire et sa contingence seraient intégralement recouverts sous le mythe de sa naturalité, de sa rationalité, de sa « neutralité » purement « technique », ou renvoyé à des problèmes individuels et pensé selon des catégories morales : en un sens, rien ne serait ici politique. Reconnaissons que cette configuration n’est qu’un cas limite – bien que pour Bourdieu, elle soit la norme, et la lutte des plus dominéEs l’exception « miraculeuse » (Bourdieu, 1998). La configuration inverse, celle de la politisation « totale » d’un groupe, d’un enjeu, d’une multiplicité d’enjeux, voire de toute la structure sociale, est également un cas idéal, bien qu’on s’en approche sans doute dans les périodes révolutionnaires où tout rapport social semble devenir contestable.
Cela permet de poser le problème différemment. Car si tout n’est pas toujours considéré comme politique, c’est-à-dire effectivement politisé, tout n’est-il pas, par contre, politisable ? On pourrait citer le rapport salarial et l’organisation du travail dans les luttes ouvrières, le privé dans les mouvements féministes, la nature et la technique dans les mouvements écologistes, les migrations, les frontières et le racisme structurel dans les luttes postcoloniales… Ce qu’il s’agit alors de penser, ce sont les frontières mouvantes du politique et du non politique, les processus qui modifient la répartition des individus et des collectifs politisés, des enjeux et des objets, constitués comme politiques. Mais aussi la manière dont ces « partages du sensible » (Rancière, 1995) s’opèrent selon les époques, les lieux et les groupes, la façon dont l’histoire des luttes les reconfigure en permanence.
Nous proposons aux intervenantEs d’élaborer leur communication autour d’un ou plusieurs des axes suivants.
Axe 1 : Mobilisations, démobilisations
Au-delà de la question, fondamentale mais insuffisante, des déterminants sociaux de l’engagement et du désengagement des individus ou des groupes, la sociologie et l’histoire de l’action collective et des mouvements sociaux se sont largement intéressés, ces dernières années, à la logique inhérente des mobilisations et démobilisations, aux « cycles de protestation » (McAdam, Tarrow et Tilly, 2001), aux oscillations internes, aux remous, flux et reflux des mouvements. Comme on peut le lire dans l’introduction d’un ouvrage récent sur Mai-Juin 68 : « la dynamique même de la crise doit donc aussi retenir l’attention, au lieu d’être ignorée au profit d’une réduction de l’événement à ses causes plausibles ou supposées » (Damamme et al. (eds.,), 2008, p. 19). On trouve des enjeux similaires dans les travaux de Danièle Kergoat sur le passage du « groupe » (ensemble de catégories socioprofessionnelles et d’individus relativement divisés et atomisés, sans conscience de soi) au « collectif », par un apprentissage de l’action collective et de leur propre pouvoir, ce qui les rend capables de se servir de la dynamique de leurs conflits et contradictions internes comme d’un moteur (Kergoat, 2009).
Une partie de la philosophie politique récente a également cherché à se doter des concepts permettant de penser les moments de politisation dans ce qu’ils ont d’inouïs et d’imprévisibles (pour ses acteurs et actrices comme dans la recherche). Elle s’est ainsi intéressée à la multiplicité des subjectivations politiques possibles, à ce qui se joue lorsque le fonctionnement ordinaire de l’ordre social est interrompu par des déclarations égalitaires et des « scènes politiques » diverses puis rendu à son mouvement propre (Rancière, 1998), lorsqu’un espace public conflictuel se tisse avec une généralisation de la prise de parole politique à des acteurs et actrices qui en étaient excluEs, puis se défait quand on le réprime ou cesse de l’entretenir (Arendt, 1961; Lefort, 1994).
Ces approches sont souvent contradictoires, mais on pourrait également rêver de les concilier, au moins de les faire dialoguer, comme le font par exemple Lilian Mathieu dans le cas des mouvements de prostituées ou Patrick Cingolani dans le cas des mouvements de sans-papiers ou de chômeurs et chômeuses (Mathieu, 2012 ; Cingolani, 2003). Dans tous les cas, une même interrogation nous semble à l’œuvre : qu’est-ce qui se joue dans le moment même de la politisation, dans la dynamique des mobilisations, dans les rapports et les mécanismes sociaux internes à un mouvement, dans la constitution de sujets politiques ? Dans leur manière de politiser des collectifs ou des enjeux, de poser les problèmes différemment, de rendre un espace public en le rendant politique ? Dans la démobilisation ou la fermeture qui s’ensuit habituellement ? La politisation, pourquoi et surtout comment « ça prend », pourquoi « ça ne prend pas », comment une mobilisation se délite ?
Évidemment, cette question centrale en appelle beaucoup d’autres. Par exemple, on pourrait se demander quels sont les rapports entre la dynamique interne de l’action collective et les déterminants sociaux sur lesquels elle s’étaye. Quels sont les obstacles matériels (temps de travail, lieux de travail…) à la politisation ? Quels sont les obstacles symboliques : sentiment de honte ou d’illégitimité à parler politiquement, absence de maîtrise du « discours universalisant », enjeux d’identification à l’agresseur , processus de distinction, refus de s’identifier à un groupe marginal (de Gaulejac etTaboada Léonetti, 1994) ? Danièle Kergoat analyse ainsi ce qu’elle appelle « le syllogisme du sujet féminin », qui freine la solidarité entre femmes au travail (Kergoat, 2001). Mais elle parle, également, de son possible dépassement, par exemple lors de la coordination infirmière de 1988. Comment une dynamique de lutte peut-elle surmonter de tels obstacles ? Les femmes les plus discriminées ne s’engagent pas au même titre que les autres dans le « mouvement féministe » où elles occupent souvent des rôles subalternes (Bacchetta, 2010). La division intra-classe, par exemple ici au sein de la classe des femmes, n’est le moteur d’une dynamique que moyennant certaines conditions, sans doute difficiles à réunir et sur lesquelles on pourrait s’interroger. D’où la nécessité de penser l’impact des rapports sociaux sur la mobilisation collective (Fillieule et Roux, 2009).
On pourrait se demander comment penser l’inscription (dans la durée, dans les rapports sociaux…), la durabilité (Arendt, 1961), l’institution partielle de ces dynamiques mobilisatrices, contre les forces contraires d’un retour au cloisonnement des rôles, d’une routinisation (Weber, 1995) ou d’une pétrification de l’instituant dans l’institué (Castoriadis, 1999). Mais il serait également possible de poser le problème dans l’autre sens. N’y aurait-il pas en effet une politisation possible dans la démobilisation individuelle, collective ou même générale, en ces temps d’injonction à la mobilisation pour la croissance économique, contre le chômage, pour la sécurité (Institut de démobilisation, 2012) ? Dès lors, ne peut-on pas penser la constitution de sujets politiques en termes de désertion, d’interruption, de refus du fonctionnalisme social ?
Axe 2 : Dépolitisation des enjeux sociaux
Par dépolitisation, nous entendons non seulement la présentation d’enjeux comme non sociaux et apolitiques alors qu’ils soulèvent la question de l’organisation du pouvoir dans la société, mais aussi la déconflictualisation des questions collectives par des responsables supra-étatiques, nationaux, associatifs, médiatiques, académiques, etc. Jean-Baptiste Comby souligne ainsi que « la dépolitisation du débat public se manifeste bien souvent par le succès des visions qui individualisent les problèmes, au détriment de celles les socialisant ». Discours moral et intérêt général en sont généralement le cheval de Troie, les agents des champs politique et médiatique fabriquant « conjointement une représentation qui universalise les enjeux en entretenant l’idée qu’ils concerneraient tout un chacun de façon équivalente » (Comby, 2014).
Mais, au-delà du seul « débat public », on peut aussi s’interroger sur la dépolitisation à l’œuvre dans les politiques publiques et les institutions nationales. Si en France, la construction de l’État social se veut être une réponse à « la question sociale », elle est également analysée comme un outil de contrôle social, de normalisation et de surveillance visant à étouffer les menaces de révolte que portent en germe les classes populaires (Foucault, 1993 ; Castel, 1995). Les transformations récentes des modalités d’intervention de l’État et de l’action sociale, dans le contexte du délitement de l’État social, ne sont-elles pas allées dans le sens d’une dépolitisation, d’une psychologisation (Bresson, 2006), d’une individualisation (Ion, 1998) de la prise en charge de ce qui est désigné comme « la nouvelle question sociale » ? La « gouvernementalité néolibérale », la mise en concurrence, l’individualisation du rapport salarial et du rapport institution-usagers (devenus « clients ») dans les services publiques et les administrations, ne participent-elles pas de cette logique (Dardot, Laval, 2009) ?
Les projets humanitaires et les politiques du développement ne constituent-ils pas également des espaces de neutralisation des mouvements sociaux et des formes plus radicales de contestation à une échelle internationale ? On peut penser aux travaux de Bruno Lautier sur les politiques de « lutte contre la pauvreté » de la Banque mondiale, manière selon lui de les dépolitiser en les plaçant sous le signe de la moralité compassionnelle. Quels rapports entre la prolifération d’ONGs largement financées par l’ONU et les mouvements de contestation sociale politisés ? La montée en puissance des unes signifie-t-elle la diminution des autres ? Y a-t-il des résistances face à cette tendance à la dépolitisation des associations ?Si ces dernières hébergent bien des « stratégies de déconflictualisation », ne coexistent elles pas avec des formes variées de politisation (Hamidi, 2010), pouvant parfois déboucher sur de véritables révolutions (Atlani-Duault, 2011) ?
De tels enjeux existent également au sein du champ académique, des féministes matérialistes dénonçant par exemple une évacuation des dimensions politiques dans les approches dites postmodernes (Descarries, 2013), un pan de la sociologie s’inquiétant de l’abandon du recours aux CSP, certains philosophes dénonçant la réduction du politique à l’étatique (Rancière, 1998). On pourrait aussi questionner, tant dans la recherche ou le débat public, que dans les politiques publiques, les approches victimisantes et criminalisantes. Les « politiques de la pitié » (Boltanski, 2007), les « politiques du risque » (Aradau, 2004), n’ont-elles pas contribué à déplacer des enjeux économiques, sociaux, et surtout politiques, sur les terrains tantôt sécuritaires de la criminalité, tantôt psychologiques de la souffrance ? Les politiques de lutte « antiterroriste » n’entraînent-elles pas une possible criminalisation des mouvements sociaux ?
Enfin, quels rapports ces dynamiques dépolitisantes entretiennent-elles avec les luttes politiques ? On sait que la contestation est parfois possible, même contre les politiques publiques a priori les plus atomisantes. C’est ainsi des luttes des associations d’usagers de la psychiatrie ou des Handicapés Méchants dans les années 1970, des luttes actuelles des chômeurs et chômeuses ou des précaires contre le RSA, et de l’injonction à la responsabilité individuelle caractéristique du workfare. Il arrive à l’inverse qu’une critique sociale soit réintégrée dans un dispositif gestionnaire. Sezin Topçu (2013) montre ainsi comment les arguments du mouvement antinucléaire ont été intégrés dans les stratégies de communication d’EDF/Areva. Le concept d’empowerment, proposé en partie par les black feminist nord-américaines, a également été dévoyé par les institutions de l’ONU et de la Banque mondiale (Falquet, 2008 ; Calvès, 2009) qui, en lui donnant une acception néolibérale, lui ont fait perdre sa signification d’émancipation collective et politique et sa portée critique radicale. Le care semble avoir subi un glissement sémantique et politique similaire (Garrau et Le Goff, 2012). Comment opèrent ces stratégies de dépolitisation en acte ? Comment pourraient opérer des stratégies inverses de repolitisation ?
Axe 3 : (Re) politisations des migrations
L’actualité en témoigne : l’ethnicisation et la droitisation des politiques et discours entourant les migrations récentes vers l’Europe s’accompagnent d’un accroissement de l’État pénal. Si la technicisation des politiques migratoires peut relever d’un processus de dépolitisation des mobilités, en plus d’une « dépolitisation de l’asile » déjà avancée (Frigoli, 2008), nous souhaitons privilégier les débats sur la politisation ou la repolitisation de ces phénomènes. Quels sont les ressorts politiques des migrations ?
Des outils techniques et bureaucratiques interviennent dans la mise en œuvre des politiques de contrôle et de restriction des migrations. À cet égard, l’immigration est l’objet de querelles statistiques dans les espaces politique, médiatique, et de la recherche. Nous souhaitons problématiser la quantification qui domine le discours public sur l’immigration, depuis la définition de quotas dans la délivrance des visas aux ressortissantEs de pays considérés « à risque migratoire », jusqu’aux objectifs chiffrés d’expulsion (Slama, 2008), en passant par le comptage des morts de l’immigration, « victimes de la “ guerre aux migrants ” » (Blanchard et al. 2008). D’autre part, il s’agira d’étudier les rouages administratifs et juridiques des politiques migratoires restrictives fixant des contraintes temporelles et normatives à la fois subies et contournées (Gourdeau, 2015 ; Cissè et Quiminal, 2000).
En sciences sociales, les premières problématisations des migrations, préoccupées avant tout par les questions d’« intégration », ont interrogé la formation de groupes « ethniques » socialement hiérarchisés (Martiniello, Simon, 2005). Abdelmalek Sayad (1999) a initié l’étude des phénomènes migratoires en termes de rapports sociaux et (géo)politiques au principe de l’émigration – qu’il qualifie d’« acte fondamentalement politique » – et au cours de l’immigration. Comment problématiser les migrations à l’aune des rapports – néo et postcoloniaux – d’exploitation économique et de déstabilisation politique des populations des pays du Sud ? Quels rapports politiques encadrent la politisation des immigréEs et/ou des héritierEs de l’immigration postcoloniale, dans les pays du Nord ? Comment et pourquoi les luttes de l’immigration rejoignent-elles l’espace des luttes contre le racisme, les luttes décoloniales, ou mémorielles ?
Les migrations recouvrent une diversité des pratiques, dans des espaces et institutions liminales, soumises à un régime de contrôle transnationalisé : des camps de migrantEs et des personnes déportées, des structures de parenté et des réseaux de personnes qui migrent, entre autres. Les transformations des dynamiques migratoires accompagnent un nouveau « régime de contrôle de la mobilité » (Papadopoulos, Stephenson, Tsianos ; 2008) qui s’intègre, par exemple dans le cas de l’Union Européenne, à un projet politique supranational. Ainsi, l’externalisation et la militarisation des frontières sont au cœur des reconfigurations de la géographie européenne. Aux barrières concrètes externes (Bulgarie, Espagne, Grêce) et internes (Hongrie) délimitant l’espace Schengen, aux pratiques répressives, correspondent un encadrement légal supranational et un imaginaire du « grand partage » de l’humanité entre privilégiéEs et « indésirables ». Dans ce contexte, certaines figures de la migration gagnent en visibilité : l’« aventurierE » d’une réussite personnelle fondée « sur la ruse, la bravoure et l’exploit » (Bredeloup, 2008) ; ou l’« orphelinE » dont la mobilité exprime et politise « une insupportable injustice, une inégalité : l’assignation à demeure ou à résidence dans le pays de naissance » (Timera, 2009). Quelles résistances émergent, se (re)configurent, sont (re)créées dans et par les migrations ? Constituent-elles des « imperceptiblepolitics », entendues comme des pratiques politiques « à travers lesquelles les acteurs sociaux échappent aux représentations normalisantes et se reconstituent dans le cadre de leur participation et le changement des conditions de leur existence corporelle » (Papadopoulos et al. 2008) ?
Les propositions de communication liées à cet axe pourrons ainsi interroger les cadres juridiques et administratifs qui empêchent ou rendent possible les migrations, la politisation des migrations au sein de luttes collectives, les formes de politisation des migrations dans l’espace, et les résistances à la construction de l’immigration comme « problème public » (Noiriel, 1988). Les communications portant sur des zones autres que l’Europe sont les bienvenues.
Le colloque
Le colloque des jeunes chercheurEs en études critiques du politique a pour objectif de créer un espace d’échange entre doctorantEs et jeunes docteurEs s’intéressant de façon critique au fait politique.
Le colloque de 2016, qui aura lieu les 25 et 26 février prochain à l’Université Paris 7- Diderot, constituera la quatrième édition de ce projet, appelé à se renouveler annuellement.
Cette édition est organisée conjointement par :
- LCSP – Laboratoire du Changement Social et Politique, Université Paris 7- Diderot
- Urmis – Unité de Recherche Migrations et Société, Université Paris 7- Diderot/ Université Nice Sophia Antipolis / IRD et CNRS
- Iris – Institut de recherche interdisciplinaire sur les enjeux sociaux, EHESS/CNRS/Université Paris 13/Inserm
Les projets de communication (2000-3000 caractères) doivent nous être envoyés avant le 30 décembre 2015, à l’adresse suivante : frama.link/cjcecp2016
Aucune autre forme de candidature ne sera acceptée. Pour toute question, merci de nous contacter à l’adresse suivante : colloque.critiques.politique@gmail.com
Nous annoncerons les propositions retenues fin janvier 2016.
Dans la mesure des financements disponibles, des défraiements pourront être demandés au comité d’organisation, les intervenants et les intervenantes sont toutefois invité-e-s à démarcher leurs institutions de rattachement. La publication des actes de ce colloque est envisagée.
Comité d’organisation
- Armand Aupiais-L’homme, doctorant en anthropologie, URMIS, UP7-Diderot.
- Andrea Marcela Barrera Téllez, doctorante en sociologie, LCSP/CEDREF, UP7-Diderot.
- Charlène Charles, doctorante en sociologie, LCSP, UP7-Diderot.
- Kévin Eybert, doctorant en sociologie, LCSP, UP7-Diderot.
- Rose-Myrlie Joseph, docteure en sociologie et études genre, LCSP/CEDREF, UP7-Diderot.
- Audrey Marcillat, doctorante en sociologie, IRIS, EHESS/CEDREF.
- Estelle Miramond, doctorante en sociologie et genre, LCSP, UP7-Diderot – CASE/CEDREF.
- Brice Nocenti, doctorant en philosophie, LCSP, UP7-Diderot.
- Lucas Andrès Restrepo Orrego, doctorant en philosophie, LCSP, UP7-Diderot.
- Mohammad Vaferi, doctorant en philosophie, LCSP, UP7-Diderot.
- Rémi Zanni, doctorant en philosophie, LCSP, UP7-Diderot.
Comité scientifique
- Marc Bessin, sociologue, IRIS, CNRS
- Patrick Cingolani, sociologue, LCSP, UP7-Diderot.
- Marie Cuillerai, philosophe, LCSP, UP7-Diderot.
- Christophe David, philosophe, Histoire et critique des arts, U. Rennes 2.
- Jules Falquet, sociologue, CEDREF/LCSP, UP7-Diderot.
- Fabrice Flipo, philosophe, LCSP, UP7-Diderot.
- Claudia Girola, socio-anthropologue, LCSP, UP7-Diderot.
- Isabelle Guérin, socio-économiste, CESSMA, IRD.
- Odile Hoffmann, géographe, URMIS, U. Nice Sophia Antipolis.
- Bernard Hours, anthropologue, CESSMA, IRD.
- Nicolas Jaoul, anthropologue, IRIS, CNRS.
- Martine Leibovici, philosophe, LCSP / Institut des humanités, UP7-Diderot.
- Chowra Makaremi, anthropologue, IRIS, CNRS.
- Lilian Mathieu, sociologue, Triangle, U. Lyon 2.
- Numa Murard, sociologue, LCSP, UP7-Diderot.
- Aude Rabaud, socio-anthropologue, URMIS, UP7-Diderot.
- Nadège Ragaru, politologue et historienne, CERI, Sciences Po Paris.
- Etienne Tassin, philosophe, LCSP, UP7-Diderot.
- Mahamet Timera, sociologue, URMIS, UP7-Diderot.
Lundi 12 octobre 2015 – Organisation de la séance : Marion Maudet et Cécile Thomé
Intervenantes : Julia Monge et Camille Foubert
Intervention de Julia Monge (IRIS/EHESS, anthropologie)
Titre de la thèse : « Les campagnes de prévention à l’épreuve de la consommation de substances illicites entre parents et enfants ».
Julia Monge est en deuxième année de thèse à l’IRIS, mais a commencé sa thèse à Montpellier il y a cinq ans (d’abord en psychologie, puis elle a basculé vers l’anthropologie). Elle a effectué cinq années d’observation participante, en partageant le quotidien de familles dont les parents et les enfants consommaient ensemble. Elle faisait à l’origine une étude sur les free-parties (ou rave-parties) et était donc amenée à aller dormir chez les uns ou les autres, d’où le constat de ce type de pratiques et une prise de notes, sans que les individus soient forcément au courant (et elle-même n’était pas encore sûre de travailler dessus, car elle était à l’époque en Arts du spectacle).
Puis elle a travaillé sur le thème « drogue et famille » en licence de psychologie. Elle a observé la vie des familles, en participant aux repas, à la vaisselle, etc. Sans être directement rattachés aux substances illicites, ces moments permettaient d’observer la ritualisation de certaines consommations (joint quand on rentre de cours, quand on prend le thé, plantation, la coupe des pieds, etc.).
Quand elle s’est finalement décidé à travailler spécifiquement là-dessus, elle a complété son terrain (d’autant que certaines de ses notes étaient lacunaires, ayant été prises longtemps auparavant). Elle a effectué 30 entretiens semi-directifs dont 10 parents consommant avec leurs enfants et 20 jeunes adultes revenant sur leur expérience d’enfants, quelques mineurs (ce qui pose la question de la CNIL : mais elle avait le consentement des parents donc elle n’est pas passée par la CNIL). Finalement, pas mal de parents acceptent de témoigner mais ce n’est pas évident car il faut beaucoup de temps, il faut se débrouiller pour que ce soit eux qui le proposent. Ne dit pas forcément qu’elle est financée par la MILDECA (mission interministérielle de lutte contre les conduites addictives). La question du secret s’est notamment posée à elle récemment, lors d’un colloque au Québec où on lui a reproché de ne pas obtenir de consentement éclairé.
Une de ses questions de départ est : « Comment continue-t-on de consommer quand on devient parent ? ». Dans quelques cas, les enfants vendent au lycée ce qui est planté en famille pour leurs parents, ce qui est illégal (crime en bande organisée avec exploitation de mineur, alors que les enfants ont juste l’impression de rendre service, de “dépanner”). La question du secret prend alors une place capitale dans les familles ; or sa thèse va être accessible sur HAL et elle a des enquêtés qui vont sans doute lui réclamer et sont susceptibles de la trouver en ligne.
Il y a donc le secret de la famille, mais aussi dans la famille. En effet, il y a des secrets à l’intérieur de la famille concernant la consommation de substances illicites : par exemple, une famille où le père consommait de l’héroïne avec sa mère mais les enfants ne le savent pas, et où les parents ne savent pas que les enfants consomment ensemble de la cocaïne dans l’enceinte de la maison. Par ailleurs, le père et les enfants ne savent pas que la mère consomme de la cocaïne au travail. Donc l’enjeu est celui de la trahison de la confiance des enquêté·e·s. Son problème est qu’elle ne peut pas modifier l’âge des enfants car le poids de la loi n’est pas le même selon l’âge ; pour le moment elle modifie le sexe de temps en temps, même si cela va devenir plus compliqué car elle aimerait aborder la question du genre ensuite (même si ce n’est pas central dans son travail).
Donc enjeu du secret à l’intérieur de la famille qui est difficile à tenir, car même en changeant ce qu’on change d’habitude les gens vont se reconnaître (ne serait-ce que par les tics de langage dans les extraits d’entretiens retranscrits). De même manière, dans la description des maisons, qui est importante concernant les lieux de consommation, il est facile de reconnaître sa maison.
Autre enjeu : ne pas trahir le secret de la famille, avec des contraintes qui sont proches des contraintes médicales : contraintes juridiques de protection des données (déclaration d’Helsinki, OMS). D’autant plus que parfois les jeunes adultes qui lui parlent ont une résistance à proposer à leurs parents de témoigner, car jusque-là il y avait une omerta tacite dans la famille (on ne dit pas aux étrangers ce qu’il s’y passe, or proposer un entretien à ses parents c’est avouer que l’on a parlé) ; ce qui renforcé par l’omerta dans le milieu toxicomane, par exemple avec la figure de la balance.
Donc le processus de rédaction est bloqué en termes de processus cognitif. On sait qu’on écrit pour notre jury, donc il faut réfléchir à la réception, aux références à privilégier ; il faut aussi faire preuve de plus de transparence car en tant que jeunes chercheurs on fait nos preuves sur l’administration de la preuve. Donc ce qui était de l’ordre de l’intime de l’enquêté·e devient son propre intime à partir du moment où elle en fait une donnée : conflit entre la position de doctorant·e et celle d’enquêteur/d’enquêtrice.
C’est pourquoi elle a envoyé un mail il y a quelques mois sur la liste de l’Iris : cela a permis de dédramatiser en se rendant compte que de nombreux·ses doctorant·e·s étaient confronté·e·s à ce type de questions, et de trouver des pistes de réponses (par exemple à partir de la lecture de parties de la thèse d’Aude Béliard sur Alzheimer dans les familles, où celle-ci fait des patchworks d’éléments réels sur une famille fictive). Julia a décidé d’écrire d’abord avec ses vraies données, sans trahir la réalité, pour le jury, puis ensuite de voir comment elle peut prendre du recul. Il y a aussi l’idée que si elle travaille sur des cas de criminalité, elle ne peut pas prétendre au secret professionnel si la justice réclame un accès à ses données, d’où la nécessité de l’anonymisation immédiate de celles-ci.
Pour finir, elle souligne qu’elle s’est beaucoup servie d’un ouvrage intitulé Enquêter, de quel droit ? (Neyrat et Laurens, 2010 ; pour un compte-rendu, voir par exemple ici), qui donne beaucoup de réponses. Elle conseille aussi Les politiques de l’enquête (Bensa et Fassin, 2008 ; pour un compte-rendu, voir par exemple ici), ainsi que le Guide des bonnes pratiques (Olivier Baude, consultable en ligne ici).
Intervention de Camille Foubert (IRIS/EHESS, sciences de la société)
Titre de la thèse : Négocier et gérer la diversité sociale, culturelle et religieuse à l’hôpital en France et au Québec.
La présentation de Camille Foubert s’est centrée sur la manière dont été gérée, au Québec, la passation d’entretiens sociologiques et l’observation sur le terrain. Camille est passée deux fois devant un comité d’éthique, lors de son master 2 de sciences politique à l’université de Montréal et actuellement pour sa thèse. Elle vit principalement cela comme une formalité énervante, un sentiment partagé autour d’elle, même si ce type de procédures posent des questions importantes à la pratique scientifique.
Dans le cadre du master, elle a voulu faire une enquête par entretiens avec des personnes immigrantes dans la région de Montréal et elle devait obtenir un certificat d’éthique. En effet, au Québec et au Canada, dès lors que l’on travaille sur des « sujets humains », il faut obtenir un certificat d’éthique. Elle a dû remplir un questionnaire très précis : présentation de la recherche, type de personnes ciblées, etc. Il faut toujours envisager les avantages, les inconvénients et les risques de la recherche pour les enquêté-e-s. Elle avait du, notamment, indiqué que le risque était que les enquêté-e-s soient peut-être gêné-e-s par des questions qui pourraient leur rappeler de « mauvais souvenirs » et leur causer une « légère fatigue ». Il faut aussi toujours élaborer et fournir une grille d’entretiens, une grille d’observation et il faut créer un formulaire de consentement (deux exemplaires : un pour l’enquêteur-trice et un pour l’enquêté-e avec le numéro de téléphone de l’enquêteur-trice) à faire signer obligatoirement par l’enquêté-e. Cette démarche est indispensable au Québec, même pour les sujets qui ne sont pas considérés comme « vulnérables ». Quand on touche aux sujets vulnérables (les mineur-e-s par exemple), ça devient très compliqué.
Après son master 2, Camille a décidé de faire sa thèse sur la gestion de la diversité des patients à l’hôpital, et donc d’observer les rapports soignant-e-s/ soigné-e-s. Elle a voulu comparer ce qu’il se passe en France et au Québec. Elle a commencé en France (n’étant inscrite qu’à l’EHESS et non aussi au Québec), en faisant un stage dans un hôpital (convention de stage entre l’EHESS et les ressources humaines de l’hôpital). Aucune question ne lui a été posée : elle venait quand elle voulait, on lui donnait une blouse et elle pouvait observer.
Pour le Québec, ce fut beaucoup plus délicat. Elle est allée trois semaines en mai dernier (mai 2015). Au départ, tout le monde lui disait qu’elle ne pourrait pas enquêter à l’hôpital. Il faut être supervisé-e par un-e chercheur-e bénéficiant des « privilèges de recherche », qui relient certains laboratoires et certains hôpitaux. Finalement, elle a rencontré une professeure qui avait ce « privilège » et lui a permis d’observer à l’hôpital (elle est passée sous sa supervision). Mais ici encore, la démarche est longue :
- Il faut faire une demande d’accueil au centre de recherche
- Le centre évalue la pertinence de la recherche pour le centre et pour le lieu d’enquête (ici un service hospitalier)
- Puis le projet passe en comité scientifique : le projet a été lu par des chercheur-e-s
- Enfin, on peut constituer un dossier pour le comité d’éthique: il faut faire un canevas d’entretien, d’observation, et un formulaire de consentement pour les patient-e-s et un autre pour les professionnel-le-s. C’est seulement si cette dernière étape aboutit qu’on peut entrer effectivement sur le terrain.
Selon Camille, toute cette procédure peut poser problème quand on fait de l’ethnographie : on doit informer toutes les personnes présentes qu’on est en train de les observer. Par ailleurs, ce n’est pas le/la chercheur-e qui vient demander le « consentement éclairé » mais une tierce personne (la « personne référente »), ce qui peut ici encore poser des problèmes de biais. Elle souligne qu’il y a derrière cette procédure et cette conception de l’éthique l’idée qu’il faut associer les enquêté-e-s à la production du savoir.
Par ailleurs, ce dispositif pose des problèmes quant aux personnes que l’on peut observer. En effet, on ne peut plus enquêter auprès des personnes les plus démunies : on est dans un rapport d’instrumentalisation où on se retrouve uniquement ou presque face à des professionnel-le-s. Enfin, comme on n’a pas le droit de ne pas dire que l’on observe, on ne peut pas enquêter sur tout ce qui sort du cadre légal, sur les marges de la société (à la « Chicago »). Il est par ailleurs rendu impossible d’enquêter sur les dominant-e-s sans les associer à la production de la connaissance, ce qui n’est pas sans poser des problèmes épistémologiques et politiques profonds (ex : travaux de Pinçon-Charlot sur la fraude fiscale).
Prochaines séances : voir le programme en ligne.
]]>Le séminaire est organisé par Marion Maudet et Cécile Thomé. Pour toute question ou demande d’information, n’hésitez pas à nous contacter !
SÉANCE 1
Lundi 12 Octobre 2015, 14h-17h, Le France, Paris 13e, salle 3. Coordination de la séance : Marion Maudet et Cécile Thomé
14h-15h30
« Éthique et secret : gérer les relations avec les enquêté·e·s et les institutions », intervenantes : Julia Monge (IRIS/EHESS, anthropologie) et Camille Foubert (IRIS/EHESS, sciences de la société)
15h30-17h
Organisation du planning des séances « Professionnalisation » du séminaire pour l’année 2015-2016, séance animée par Marion Maudet et Cécile Thomé.
Compte-rendu de la séance en ligne ici.
SÉANCE 2
Jeudi 12 Novembre 2015, 14h-17h, UP13, Bobigny, salle du Conseil de l’IUT (bâtiment de l’Illustration). Coordination de la séance : Mona Claro
14h-15h30
« La méthode ethnographique : comptes rendus de recherches », intervenantes : Mona Claro (IRIS/CEMS/EHESS, sociologie) et Camille Foubert (IRIS/EHESS, sociologie).
15h30-17h
Enseigner l’ethnographie, Séance animée par Mona Claro.
SÉANCE 3
Mardi 19 Janvier 2016, 14h-17h, Le France, Paris 13e, salle 587. Coordination de la séance : Claudia Diaz.
14h-15h30
“Étudier le fascisme du troisième millénaire : réflexions aux marges d’une anthropologie politique de l’actualité italienne “, intervenante : Maddalena Gretel Cammelli (IRIS/EHESS, anthropologie, docteure depuis mai 2014).
15h30-17h
« Comment formuler une proposition technique et financière pour répondre à un appel à candidature ou à projet ? ». Séance animée par Claudia Diaz et Jacques Jean-Vernet.
SÉANCE 4
Vendredi 12 Février 2016, 14h-17h, UP13, Bobigny, salle du Conseil de l’IUT (bâtiment de l’Illustration). Coordination de la séance : Marion Maudet et Cécile Thomé
14h-15h30
« Poursuivre en thèse un travail de M2 : utiliser/publier ses premiers résultats, redéfinir son terrain, préciser sa problématique », intervenant : Hadrien Malier (IRIS/EHESS, sociologie).
Hadrien Malier présente son travail de M2, qu’il poursuit actuellement en thèse. Pendant neuf mois, il a mené une ethnographie au sein d’une mission de service civique qui propose, pour des individus de milieux populaires, un accompagnement à l’adoption d’« écogestes ». Il s’intéresse aux enjeux politiques et moraux de cette réforme des comportements à visée écologique.
Il s’agira principalement d’interroger la redéfinition d’un terrain d’enquête à partir des premiers résultats obtenus lors du travail de M2, les manières de poser les questions et d’articuler lectures/état de l’art et approche empirique.
Par ailleurs, ce sera l’occasion de discuter de la publicisation et à la vulgarisation de données scientifiques : dans quelle mesure et dans quels cadres peut-on publier des résultats et des données hors du cadre académique et universitaire ? Quels en sont les enjeux, positifs (participation au débat public, possibles ouvertures de terrain) et négatifs (données « perdues » pour des publications scientifiques, problème de légitimité à intervenir auprès du public en étant un jeune chercheur, etc.) liés à une publication dans une revue “profane”?
15h30-17h
« Utiliser des logiciels en sciences sociales ». Présentation par les personnes présentes des logiciels qu’elles utilisent, de ce qu’ils permettent de faire et des formations disponibles. Prévus pour le moment : Zotero (logiciel de bibliographie), Sonal (logiciel de retranscription et d’analyse d’entretiens), R (logiciel d’analyse quantitative).
SÉANCE 5
Lundi 14 Mars 2016, 14h-17h, Le France, Paris 13e, salle 587. Coordination de la séance : Marion Maudet et Cécile Thomé
14h-15h30
« Analyser des données de natures différentes et les croiser ». Intervenante : Marion Maudet (IRIS/GSRL/Ined, EHESS).
15h30-17h
Enseigner à l’université : quels besoins, quelles solutions ? Séance animée par Marion Maudet, Cécile Thomé et Emmanuelle Beaubatie.
SÉANCE 6
Mardi 12 Avril 2016, 14h-17h, UP13, Bobigny, salle 1.142 (1er étage du bâtiment de l’Illustration). Coordination de la séance : Marion Maudet et Cécile Thomé
14h-15h30
« L’entretien sur un sujet sensible ». Intervenantes : Audrey Marcillat (IRIS/EHESS, sociologie) et Cécile Thomé (IRIS/EHESS, sociologie).
15h30-17h
« Accessibilité de la connaissance & visibilité à l’international ». Séance animée par Arthur Vuattoux et Nicolas Lainez (sous réserve).
SÉANCE 7
Jeudi 12 mai 2016, 14h-17h, EHESS, 105 boulevard Raspail, salle 8 (14h-15h) puis salle 6 (15h-17h). Coordination de la séance : Marion Maudet et Cécile Thomé
14h-15h30
« Les émotions dans un contexte de soin ou de service ». Intervenantes : Pearl Morey (IRIS/EHESS, sociologie) et Maud Arnal (IRIS/Cermes3/EHESS, sociologie).
15h30-17h
« Comment publier dans des revues à comité de lecture ». Intervenant·e·s : Florian Vörös et Julia Monge (sous réserve).
Etats Généraux du Film documentaire 2015
Entretien réalisé par Damien Pelletier-Brun et Arielle Estrada (École documentaire de Lussas), avec Éliane De Latour, autour de son dernier film Little Go Girls, 2015.
ici : https://tenk.fr/2015/09/24/etats-generaux-du-documentaire-entretien-du-jour-eliane-de-latour/
La « vie » et le « vivant » : de nouveaux défis à relever dans l’éducation
Étudier à l’Est
Expériences de diplômés africains
La télévision par satellite au Maghreb et ses publics
Espaces de résistance, espaces critiques
La Ville méditerranéenne
Défis et mutations
Dictionnaire critique de l’expertise
Santé, travail, environnement
Santé Publiquemai-juin 2015, n° 27/3
Human remains and identification
Mass violence, genocide, and the ‘forensic turn’
At the Heart of the State
The Moral World of Institutions
Frontières affirmées, frontières contestées
Citoyennetés, multi/interculturalités, subjectivitésPolis e Psique
Les Sanglots de l’aigle pêcheur
Nouvelle-Calédonie : la Guerre kanak de 1917

Les risques du travail. Pour ne pas perdre sa vie à la gagner
Sous la direction de Annie Thébaud-Mony, Philippe Davezies, Laurent Vogel, Serge Volkoff
L’apprentissage dans l’enseignement supérieur ou l’art d’une relation à trois
Connaissance de l’emploi, n° 119, mars 2015. par Stéphanie Mignot-Gérard, Constance Perrin-Joly, François Sarfati, Nadège Vezinat
La deuxième vie des objets. Recyclage et récupération dans les sociétés modernes
Sous la direction de Élisabeth Anstett, Nathalie Ortar
Space and the Memories of Violence. Landscapes of Erasure, Disappearance and Exception
Sous la direction de Estela Schindel, Pamela Colombo
Sociologie des classes populaires contemporaines
Isabelle Coutant, Yasmine Siblot, Marie Cartier, Olivier Masclet, Nicolas Renahy
Les sciences humaines dans les parcours scientifiques et techniques professionnalisant.Quelles finalités et quelles modalités pratiques ?
Sous la direction de Sandrine de Montgolfier, A. Bernard, M. Dell’Angelo, et alii
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Un séminaire Princeton University, Museu Nacional (Rio de Janeiro), IRIS
14-16 mai 2015
https://oikosseminar.weebly.com/
This seminar explores the house as a key nexus of political-economic and interpersonal/affective realities in flux. We seek to generate knowledge at the intersection of three rarely conversant research areas: the anthropology of family and kinship (including affect, care, and relatedness); the economic dynamics of households (related to the provision and management of money, the circulation of objects and food, and planning for the future); and the anthropology of public policies and housing (concerning rights, governance, and citizenship).
We draw on oikos, an ancient Greek term, because it suggests a definition of the house not as a bounded unit but as a dynamic relation between the familial spaces of the home and the public spaces of the polis. In attending to “house-ing” (as a cluster of material, symbolic, and world-making practices), we aim to apprehend people’s plasticity within a range of built environments, and to ask how public policies, markets, and city infrastructures become intimate and vital matters. House-ing, in our perspective, is a privileged space to comprehend the production of rationalities among various scales, agents, and agencies—including the people who inhabit and transform their houses and familial ties, community leaders who demand housing policies, recipients of public housing, and experts charged with devising and implementing housing projects, among others.
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