Photographie d'une baie vitrée, dont l'espace est divisé en 5 parties. Dans chacune, on voit un personnage saint, vêtu de drapés, debout devant un tissu et surmonté d'un décor architecturé. Les couleurs sont claires et vives

Prélude au XVIe siècle. Les vitraux anciens de la cathédrale de Quimper : le transept et la nef – #2.

Après avoir évoqué le sujet de la baie 100 et des vitraux les plus anciens du chœur de la cathédrale Saint-Corentin, je voudrais parler ici des vitraux de la fin du XVe siècle, qui ont été commandés pour les fenêtres hautes du transept et de la nef1.

Comme dans le chœur, la plupart des fenêtres présente de nombreuses lacunes et des restaurations, réparations et comblements des XIXe et XXe siècles. Si on met en regard les descriptions anciennes et l’état actuel, on peut noter des modifications dans l’ordre des lancettes : certains personnages ont ainsi été déplacés.
Plusieurs vestiges anciens sont toutefois en place, parfois bien datés par des inscriptions dans les vitraux ou grâce aux armoiries conservées.


Dans les bras Nord et Sud du transept sont conservées 10 baies (n°113 à 122) ; le même nombre se retrouve dans la nef (baies n°123 à 132). La datation de cette campagne de vitrage s’appuie sur les documents relatifs à l’architecture. Les fenêtres hautes de cette partie de l’édifice commencent à être vitrées à partir de 1493. Les spécialistes s’accordent donc sur une réalisation bouclée entre 1495 et 1497, soit un chantier très rapide, qui dut nécessiter l’intervention de nombreux artistes et de plusieurs ateliers2. Aucun nom précis n’a pu être rapproché de ces œuvres car les archives sont très lacunaires. En outre, si on connaît plusieurs noms de peintres-verriers intervenus dans la cathédrale pour des réparations au cours du XVe siècle (cf. infra), aucun ne peut être associé avec certitude aux commandes passées dans les années 1490.

Le transept.
Le transept offre un ensemble vitré important, avec des vestiges du XVe siècles, mais surtout des restaurations et réparations, ainsi que les roses (baies 117 et 118), le tout réalisé aux XIXe et XXe siècles. Pour les parties anciennes, on compte 10 baies, composées de 4 à 6 lancettes chacune. Chaque lancette accueille un ou deux personnages sur un fond damassé et surmonté(s) d’un dais architecturé. C’est une composition habituelle des vitraux de la période.

Intéressons-nous à deux baies en particulier : les n°116 et 121.

Baie 116
Cette baie est plutôt bien conservée et comporte encore de nombreux éléments anciens, c’est-à-dire de la fin du XVe siècle. Une inscription ancienne donne le nom et la qualité des donateurs de cette verrière, Geoffroy et Rioc de Tréanna, chanoines de la cathédrale depuis 1486. En outre, cette inscription porte la date de 1496 et constitue donc un repère chronologique important.
Les descriptions anciennes différent un peu de ce qui est visible actuellement : aujourd’hui, les deux donateurs encadrent les personnes saintes, alors qu’ils étaient face à face si on en croit les témoignages du début du XIXe siècle.

Partie inférieure de la baie n°116 – @ Dylan Nouzeran, 2024

Actuellement, les cinq lancettes comptent donc deux donateurs, Geoffroy et Rioc, de part et d’autre ; au centre se trouve le Christ, auréolé d’un nimbe crucifère et tenant un bâton surmonté de la croix du ressuscité. Il fait un geste de bénédiction tout en baissant les yeux. Son expression est sereine, son regard un peu dans le vague. Il porte un long manteau rouge qui laisse voir une partie de son torse et ses pieds nus. À droite, se trouve saint Martin et à gauche, sainte Geneviève, qui est représentée avec une iconographie traditionnelle : un livre ouvert dans une main et un long cierge dans l’autre. Dans son dos, un petit diable souffle sur la flamme du cierge tandis qu’un ange empêche le diable d’éteindre la lumière. Elle a la tête légèrement penchée et est tournée vers le Christ. Saint Martin, reconnaissable immédiatement car il est en train de découper son manteau, est à cheval. L’animal avance vers le Christ mais le saint se tourne de l’autre côté, vers le pauvre auquel il va remettre le tissu.
Ce vitrail est particulièrement intéressant car les informations sont nombreuses sur ses commanditaires et qu’il est relativement bien conservé. En outre, il comporte des pièces montées en chef-d’œuvre : cela signifie qu’une pièce d’une couleur est incluse dans une autre d’une couleur différente et que le plomb qui l’entoure est isolé3. Dans la lancette de saint Martin, plusieurs détails du harnachement du cheval sont inclus de cette façon, comme les cercles jaunes qui décorent le harnachement du cheval du saint. C’est une technique particulièrement difficile à maîtriser et qui révèle la grande habileté des verriers qui ont travaillé à ce chantier quimpérois.

Baie 121, dite de saint Charlemagne
Cette baie est dite de saint Charlemagne car c’est le saint qui occupe la lancette principale. Commençons donc par ce dernier : il est vêtu d’une cotte d’armure qui porte un écu mi-parti : aigle impérial et trois fleurs de lis. Une main posée sur le pommeau de son épée, il tient de l’autre un sceptre et porte une haute couronne impériale fermée. Charlemagne fut canonisé en 1165 et de nombreux diocèses du Nord de l’Europe le prirent pour saint patron. Dans le royaume de France, Louis XI accentua la dévotion à saint Charlemagne dans les années 1460-1470. Au XIXe siècle, le culte fut limité par le pape.
Un seul autre vitrail à l’effigie de saint Charlemagne est connu en Bretagne, à Malestroit dans le Morbihan (baie n°1). Il s’agit d’une création entièrement moderne (réalisé sans doute en 1906)4.
Si on regarde plus loin, les figurations vitrées anciennes de saint Charlemagne sont plutôt rares et le plus souvent apparaissent car il s’agit du saint patron du donateur : par exemple dans l’église Saint-Alpin de Châlons-sur-Marne (baie n°10) ou la cathédrale Saint-Étienne d’Auxerre (baies 126 et 135).

Photo d'une verrière : 5 lancettes accueillent des personnages de saints et de donateurs debout, sous des dais d'architecture
Détail de la verrière n°121 de la cathédrale de Quimper – (c) D. Nouzeran, 2024


À Quimper, la tête de Charlemagne est, peut-être, une copie de l’original et le buste est plutôt bien conservé. Sa représentation diffère sensiblement de celle des autres saints Charlemagne de la fin du XVe et du XVIe : ils ont généralement une orbe dans la main et tiennent leur épée dressée de l’autre. Leur armure est recouverte d’un long manteau brodé. En revanche, tous les saints portent les cheveux longs et la barbe, ainsi que la couronne impériale caractéristique.
Autour de lui, les lancettes alternent des saints seuls et des donateurs présentés par leur patron. De gauche à droite, on reconnaît saint Pierre, un saint évêque et un chanoine, un saint imberbe avec une épée et un autre chanoine (presque entièrement moderne) et enfin saint Paul. Le tympan est entièrement du XIXe siècle.

La nef.
Dans la nef, on retrouve une présentation assez similaire. Là encore, je fais un choix un peu subjectif en ne présentant que deux baies : les n°124 et 131.

Baie 124, dite aussi la verrière aux cinq saints.
On y retrouve le système de présentation habituel, avec un saint par lancette, devant un tissu de damas tendu ; en haut, un dais, dont le dessin est répété à l’identique. Le tympan a été entièrement refait et je ne m’y attarde donc pas.
De gauche à droite, on peut admirer saint Yves, saint Jacques le Majeur, saint Pierre, saint Jean-Baptiste (dont la tête est moderne) et enfin un Saint Louis ajouté au XIXe siècle.
Les saints sont à peu près identifiables, sauf Yves, qui a parfois été identifié comme Thomas ou Dominique. Il fait un très beau geste, dit d’argumentation. Ce n’est pas un cornet de glace (!) dans sa main droite mais plus certainement un sac à procès, c’est-à-dire un petit sac en tissu servant, sous l’Ancien Régime, à contenir les documents relatifs à une affaire judiciaire.

Détail de la baie n°124 (nef) de la cathédrale de Quimper – (c) D. Nouzeran, 2024


Cette verrière est particulièrement travaillée, notamment dans les drapés à dominante blanche des saints. Si le verre est abîmé, on devine le travail délicat des plis et des ombres, qui donne un aspect particulier à chaque personnage, dans l’espace étroit des lancettes. Les trois visages anciens sont bien distincts, avec une personnalité différente.
Des détails techniques sont spécifiques à cette verrière et à la suivante, notamment la présence de gravures, un phénomène courant dans le vitrail de la période5. De même, le verre blanc ou incolore a une teinte spécifique.

Baie 131
Cette verrière au dessin fin et soigné et aux visages et aux drapés particulièrement travaillés présente les mêmes caractéristiques de composition. De gauche à droite, les spécialistes ont reconnu Laurent du Groesker, chanoine de la cathédrale (1489-1496) présenté par saint Laurent ; à côté, saint Corentin, dont les attributs datent du XIXe siècle (crosse, mitre, poisson) ; sainte Marie-Madeleine (dont la tête date également du XIXe siècle), reconnaissable à son pot à onguents et enfin saint Michel (tête moderne), tourné vers les autres lancettes, combattant le dragon à ses pieds.

Détail de la baie n°131 de la cathédrale de Quimper (nef) – (c) D. Nouzeran, 2024

On reconnaît parfaitement le saint patron du commanditaire à son attribut, le grill de son martyre.

Les autres vitraux de la cathédrale de Quimper, disposés dans les fenêtres basses, appartiennent tous aux XIXe et XXe siècles. Les œuvres anciennes ont été détruites ou très abîmées à la Révolution puis au cours du XIXe siècle6. La cathédrale a entrepris au cours de ce siècle un vaste chantier de restauration et de remplacement des verrières disparues.

Les peintres-verriers de la cathédrale.
Ce sujet mériterait plusieurs billets (!) : je présente ici, très rapidement, l’état des connaissances au sujet des artistes qui sont intervenus au sein de l’édifice au XVe siècle. Les archives de la cathédrale Saint-Corentin conservent ainsi les noms de Jamin Sohier (années 1410), de Guillaume (en 1440), de Jean Goellicou (1458) et un homonyme, un autre Jean Sohier, actif en 1474.
Le fameux document sur lequel se sont appuyés de nombreux spécialistes pour identifier Jamin Sohier en tant qu’auteur des vitraux du chœur (baies 100 à 103) est conservé aux Archives Départementales du Finistère sous la cote 2 G 141, f°27. On y lit l’intervention d’un Jamin pour les réparations de vitres de la chapelle neuve7.

Détail du folio 27r du registre 2 G 141 conservé aux Archives départementales du Finistère.

Jean Sohier II, ainsi que le désigne R.-F. Le Men, reçoit une pension annuelle pour la réparation des vitraux, pension qu’il perçoit, au moins de 1474 à 1486. Il est encore mentionné en 1499, au moment où les travaux des fenêtres hautes du transept et de la nef sont en cours voire achevés8. Un troisième – ou le même ? – Jamin ou Jean Sohier apparaît encore dans les comptes, en 1514, toujours pensionné pour la réparation des vitraux.
Les autres artistes cités, tout comme les Sohier, le sont exclusivement pour des réparations et jamais explicitement pour la pose de nouvelles verrières.

  1. Ce billet est un résumé des connaissances actuelles sur les vitraux de la cathédrale de Quimper, issues de plusieurs sources dont la principale est le volume du Corpus Vitrearum consacré à la Bretagne, sous la direction de Françoise Gatouillat et Michel Hérold : Les vitraux de Bretagne, Rennes : PUR, 2007. L’ouvrage sous la direction de Tanguy Daniel et paru en 2005 est une somme capitale : Tanguy Daniel (dir.), Anne Brignaudy, Yves-Pascal Castel, Jean Kerhervé et Jean-Pierre Le Bihan, Les vitraux de la cathédrale Saint-Corentin de Quimper, Rennes et Quimper : PUR et SAF, 2005.
    On consultera avec profit les articles publiés en ligne par Jean-Yves Cordier sur son blog : https://www.lavieb-aile.com/2016/02/les-vitraux-du-choeur-de-la-cathedrale-de-quimper-i.html ↩︎
  2. Françoise Gatouillat, « Quimper, cathédrale Saint-Corentin. Les vitraux anciens » dans Congrès archéologique de France, Finistère, Paris : SFA, 2009, pp. 293-301, p. 299. ↩︎
  3. Pour une étude du sertissage en chef-d’œuvre, voir l’article d’Emma Isingrini-Groult, “De la structure au décor : le plomb en vitrail” Variations patrimoniales. Le carnet de l’INP, 2021, en ligne [consulté le 02 juin 2025] : https://doi.org/10.58079/12soc ↩︎
  4. F. Gatouillat et M. Hérold, op. cit., Les vitraux de Bretagne, p. 303. ↩︎
  5. Roger Barrié, “Les verres gravés et l’art du vitrail au XVIe siècle en Bretagne occidentale” dans Annales de Bretagne et des pays de l’Ouest, tome 83, n°1, 1976, pp. 35-44. ↩︎
  6. F. Gatouillat et M. Hérold, Les vitraux de Bretagne, op. cit., pp. 172-176. ↩︎
  7. Voir R.-F. Le Men, Monographie de la cathédrale de Quimper, Quimper : Jacob et Mlle Lemercier, 1877, pp. 301-305 (la transcription du document y est reproduite, note n°1, p. 302) ; F. Gatouillat et M. Hérold, Les vitraux de Bretagne, p. 172 ; T. Daniel (dir.), Les vitraux de la cathédrale de Saint-Corentin de Quimper, op. cit., pp. 27-28. ↩︎
  8. R.-F. Le Men s’appuie sur cette chronologie pour lui attribuer “une large part dans la peinture des vitraux de ces deux parties de l’église”, op. cit., p. 304. ↩︎

Enquête : sur la piste de la baie n°100 de la cathédrale de Quimper

La baie n°100 de la cathédrale Saint-Corentin à Quimper accueille aujourd’hui un ensemble de trois lancettes (les découpages verticaux des baies) représentant la Crucifixion avec saint Jean et la Vierge. J’en avais déjà parlé ici : ce vitrail est en fait tout récent, puisqu’il a été réalisé dans les années 1990 par l’atelier de Jean-Pierre Le Bihan, célèbre maître-verrier quimpérois.

Dans le cadre de la préparation d’une conférence en juillet 2024, je m’étais particulièrement intéressée à l’histoire mouvementée de cette baie, qui a connu moult péripéties au milieu du XIXe siècle. Je me suis donc lancée sur la piste du vitrail ancien (qui date du début du XVe siècle), afin de comprendre par quels chemins il était arrivé dans le château du sud de la France où on peut l’admirer aujourd’hui.

Pour comprendre cette localisation, il fallait revenir sur la chronologie des événements à Quimper. Je renvoie à l’article précédent pour les détails (lien ci-dessus) mais je rappelle brièvement les faits. En 1856, Julien-Léopold Lobin est chargé de remplacer la baie n°100 par une composition de son choix (aujourd’hui conservée à Châteaulin) puis, dans les années 1860, il est décidé de disposer à cet emplacement (dans les fenêtres hautes du rond-point du chœur) une copie de la verrière ancienne. Le travail est alors confié à Antoine Lusson, qui pose la baie en 1869. Enfin, lors des restaurations de la fin du XXe siècle, la verrière de Lusson, en mauvais état, est déposée et à son tour remplacée par une copie du vitrail ancien originel, retrouvé en 1962 dans le Lot. C’est en effet Jean Lafond qui avait repéré la baie n°100 de la cathédrale dans le château de Castelnau-Bretenoux, légué par le ténor Jean Mouliérat à l’État en 1932.

Détail de la baie 100, en partie haute du choeur.

Tout d’abord, il fallait comprendre ce qu’était devenue cette verrière ancienne après sa dépose vers 1856 et avant 1932, date où elle était présente à Castelnau-Bretenoux.
Était-elle entrée dans le fonds d’atelier de Lobin ? Dans ce cas, comment Lusson aurait-il pu en faire une copie ? Et pourquoi n’est-elle plus mentionnée jusqu’à sa redécouverte par Jean Lafond dans le Lot en 19621 ? Autant de questions déjà posées par cet auteur et que posaient également Jean-Pierre Le Bihan et d’autres spécialistes2.

Les maîtres-verriers de la cathédrale de Quimper au XIXe siècle

Les ateliers Lusson et Lobin ne sont pas situés en Bretagne ; ce sont des ateliers de verriers originaires du Centre ou de Paris, qui travaillent sur les grands chantiers du XIXe siècle. Ainsi Lusson est-il héritier d’une entreprise déjà active au début du XIXe siècle et qui a été en contact avec l’atelier Lobin dès les années 18403. Mais commençons par ce dernier, chez lequel Antoine Lusson a peut-être vu la verrière originale du début du XVe siècle4.
Julien-Léopold Lobin est né en 1814 et mort en 1864 ; médaillé au Salon en 1846, il s’oriente finalement vers la peinture sur verre, créant un atelier repris à sa mort par son fils, Lucien-Léopold5. La verrière qu’il crée pour remplacer celle du XVe siècle représente le Christ en croix devant une ville, avec de part et d’autre la Vierge et saint Jean. Le fond des trois lancettes est orné de motifs géométriques bleus, rouges et jaunes. On connaît cette création car elle a été réutilisée dans une autre église finistérienne, celle de Saint-Idunet à Châteaulin, dans le transept, où on peut la voir aujourd’hui.
Cette œuvre, restée en place très peu de temps dans la cathédrale de Quimper, ne reprend que le sujet de la verrière originale, en lui donnant un air ancien, spécialité de Lobin. Si ce n’est cette reprise iconographique, le vitrail ne doit rien à celui du XVe siècle. Le maître verrier n’a donc pas copié la première verrière – mais il a pu la conserver dans son atelier, comme c’était l’usage alors6.


Que la baie n°100 soit entre les mains de Lobin ou non, elle a certainement été mise à disposition de Lusson dans les années 1860 afin qu’il puisse en faire une copie. On s’achemine donc vers une seconde hypothèse : Antoine Lusson aurait récupéré le vitrail ancien pour en faire la copie et l’aurait conservé dans son propre fonds d’atelier. Les auteurs du volume du Corpus Vitrearum dédié à la Bretagne avaient entrepris de retrouver la trace de cette œuvre en 2005. Toutefois, leur piste s’arrêtait à la mort du dernier repreneur de Lusson, en 19057. Or quand je me suis plongée à mon tour dans cette enquête, il s’est avéré qu’une homonymie les avait sans doute mis sur une fausse piste. En effet, le Georges Bardon mentionné comme dernier repreneur de l’atelier de Lusson n’est pas le même que celui mort en 1905. Le maître-verrier qui a pris la suite de Lusson s’appelle bien Pierre-Georges Bardon, il est né en 1846 et mais il est mort en 1913 à Plouzané dans le Finistère. C’est un maître parisien, qui travaille sur des chantiers d’envergure (à Blois par exemple)8.

À partir de cette information, l’investigation est partie dans une nouvelle direction, celle de la vente de l’atelier et de la collection de Bardon à Drouot en 1919. Y trouvera-t-on un indice de la présence de la verrière quimpéroise ? Cette vente est organisée le 5 juillet 1919 par maîtres Albinet, Rostand et Delteil en salle 8 de la vénérable institution.

Extrait de la Gazette Drouot du 23 août 1919, p. 2 : présentation de la Vente Bardon

L’annonce et le récit de la vente parlent des tableaux en possession du verrier : des œuvres de Cabanel, de Hervier, des dessins de divers artistes, des vitraux de Bardon lui-même et des maquettes de vitraux de Merson et Chevillard, notamment9. Les entrefilets sont peu loquaces et surtout ne parlent que d’art contemporain (Cabanel, Hervier) et ne donnent que très peu de détails. Comment savoir alors si c’est bien à l’occasion de cette vente que Jean Mouliérat a acquis le vitrail quimpérois ?

Afin de compléter ces maigres données, je me mets donc en quête, pleine d’espoir, des papiers de l’étude de maître Rostand, conservés aux archives de Paris (D.45E3 1). Malheureusement, les documents de maître Rostand ne contiennent aucune mention, en date du 5 juillet, de la vente Bardon… Cette piste s’arrête donc là10.

Il faut toutefois continuer à chercher – et particulièrement dans les archives notariales, qui auront peut-être plus à offrir. Comme par exemple celles du notaire qui a enregistré le décès de Georges Bardon et qui aurait procédé à un inventaire ? Le maître-verrier est décédé dans le Finistère, à Plouzané (une chance pour moi !). Son acte de décès est enregistré le 16 février 1913, par son fils, André, avocat à Paris, âgé de 42 ans, et son cousin Louis Jaldée (?), avoué à Versailles. Le défunt était veuf d’Emilie Alexandrine Rigal et époux d’Alice l’Hérault11. Plouzané compte en 1913 trois notaires : maîtres Gustave Cheminant, de Rodellec du Porzic et Georges Andrieux, dont les minutes sont elles-aussi conservées aux archives départementales12. L’espoir renaît mais est vite réduit en cendres… la piste s’arrête car aucune mention de Georges Bardon n’est présente dans ces registres. Le maître-verrier a en effet pu choisir un notaire situé dans une commune autre que celle où il vivait.

La piste Bardon semble ainsi être (pour l’instant) une impasse… Il faut donc procéder à rebours et partir du lieu où la verrière est conservée aujourd’hui et au moins depuis les années 1930.

Le château de Castelnau-Bretenoux, dans le Lot

Jean Mouliérat13, chanteur lyrique, est né en 1853 et mort à Paris en 1932. Il lègue à l’État son château et les collections qu’il renferme, essentiellement médiévales. Un inventaire de ses collections est dressé quelques jours après son décès et permet de connaître les objets alors en place. Parmi ceux-ci se trouve notre verrière quimpéroise, exposée dans une salle appelée l’oratoire. Le vitrail a curieusement été mal remonté, inversant les places de Marie et saint Jean (cette inversion a été corrigée par la copie de J.-P. Le Bihan).
Les œuvres collectionnées par l’artiste lyrique sont rarement documentées et on ne connaît pas ou mal leur provenance14. En l’absence de traces dans les archives de Jean Mouliérat, il devient difficile de connaître l’origine de cette verrière.

Photo de l’oratoire du château de Castelnau-Bretenoux avec la verrière provenant de Quimper
Photo Wikimedia Commons – Selmoval

Je décide de me tourner vers la Médiathèque de l’Architecture et du Patrimoine, véritable mine d’informations. Parmi les dossiers que je voulais consulter figurait un récolement des objets mobiliers de divers châteaux, palais et demeures dans toute la France. Ce récolement compte 30 dossiers, dont 5 manquent à l’appel, sans doute mal rangés15. Et celui de Castelnau-Bretenoux fait partie des dossiers introuvables (pour l’instant)…

L’affaire est donc loin d’être terminée et l’enquête se poursuit. Il reste d’autres pistes à explorer, outre celle des documents relatifs au château de Jean Mouliérat : l’activité de l’atelier Lobin et de celui de Lusson, par exemple, ou encore des documents liés au ténor lui-même. Je suis loin de mon champ d’étude habituel, certes, mais il s’agit de la piste d’une verrière du XVe siècle…

À suivre donc !

 

 

  1. Jean Lafond, « Le Christ en croix de la cathédrale de Quimper » dans Bulletin de la Société nationale des Antiquaires de France, 1962, pp. 36-38 : https://www.persee.fr/doc/bsnaf_0081-1181_1964_num_1962_1_6668 ↩︎
  2. Jean-Pierre Le Bihan, « La verrière n°100 de la cathédrale Saint-Corentin de Quimper » dans Bulletin de la société archéologique du Finistère, tome CXXVI, 1997, pp. 175-201, p. 190 ↩︎
  3. Didier Alliou et Catherine Brisac, « La peinture sur verre au XIXe siècle dans la Sarthe » dans Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, 93-4, 1986, pp. 389-394, p. 389-390. ↩︎
  4. Katia Macias-Valadez en fait en tout cas l’hypothèse dans son article : « Les vitraux des fenêtres hautes du choeur de la cathédrale de Quimper : un chantier d’expérimentation et la définition d’un style quimpérois » dans Mémoires de la Société d’Histoire et d’archéologie de Bretagne, t. LXXV, 1997, pp. 205-242, p. 213. ↩︎
  5. Sur les Lobin, voir en dernier lieu le catalogue de l’exposition de Tours, L’atelier Lobin, l’art du vitrail en Touraine, Chambray-les-Tours : CLD, 1994. Une notice dédiée à Lobin, datée de 1864, est disponible sur Gallica : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5623942c ↩︎
  6. Jean-Pierre Le Bihan, op. cit., p. 189 ↩︎
  7. François Gatouillat et Michel Hérold, Les vitraux de Bretagne, volume VII du recensement des vitraux médiévaux de France, Rennes : Presses Universitaires de Rennes, 2005, p. 174. ↩︎
  8. Il existe très peu d’informations sur Georges Bardon ; la plupart provient de la thèse d’Amélie Duntze-Ouvry, consacrée au peintre-verrier Eugène Stanilas Oudinot, soutenue en 2016 et accessible ici. L’oeuvre et la carrière de P.-G. Bardon sont toujours examinées dans le cadre d’études d’autres peintres-verriers de la seconde moitié du XIXe siècle : voir par exemple Jean-François Luneau, « Vitrail archéologique, vitrail-tableau. Chronique bibliographique » dans Revue de l’art, n°124, 1999, pp. 67-78, p. 72 et note n°88. ↩︎
  9. La Gazette Drouot, n°71, 3 juillet 1919, p. 3 ; n°73, 8 juillet 1919, p. 1 et n°86, 23 août 1919, p. 2. ↩︎
  10. Je remercie les archivistes de Paris, et notamment M. Boris Dubouis, pour son aide précieuse. ↩︎
  11. L’acte de décès est conservé aux Archives départementales du Finistère, à Quimper : 3 E 252/52/8, décès n°5, p. 26 ↩︎
  12. AD Finistère, Me Cheminant : 4 E 250/241 (1913) ; Me de Rodellec du Porzic : 4 E 248/212 (1913) ; Me Andrieux : 4 E 251/205 (1913). ↩︎
  13. Ses apparitions chantées sont répertoriées ici : https://dezede.org/individus/id/17505/ ↩︎
  14. Léon Préssouyre, « Les chapiteaux romans de Sainte-Croix-du-Mont au château de Castelnau-Bretenoux » dans Bulletin monumental, 136-1, 1978, pp. 7-33, p. 7. ↩︎
  15. Je remercie les personnes de la Médiathèque pour leurs recherches dans les fonds. ↩︎

 

Un séjour de recherche

Le début du mois de mars a été l’occasion de me rendre à Paris pour faire quelques recherches sur les vitraux de Bretagne. Un entretien et la consultation d’archives du début du XXe siècle étaient au menu1.

Vue vers la cour de la pyramide du Louvre, le soir. A droite, une partie du bâtiment ; en bas au centre, un drapeau français
Vue sur le Louvre
Vue de l’intérieur des Beaux-Arts
  • Entretien avec Roger Barrié

J’ai ainsi eu la chance de m’entretenir avec Roger Barrié, qui avait répondu favorablement et très aimablement à ma demande. Je le remercie à nouveau ici.

Roger Barrié est l’auteur d’une thèse importante dans l’histoire des vitraux bretons. En 1979, il soutient son travail, intitulé Étude sur le vitrail en Cornouaille au 16e siècle : Plogonnec et un groupe d’églises de l’ancien diocèse de Quimper à l’Université de Rennes-II, travail réalisé sous la direction d’André Mussat (1912-1989) et de Louis Grodecki (1910-1982). Parallèlement, dans les années 1970 et 1980, Roger Barrié publie plusieurs articles et dirige l’édition d’un numéro de la revue Arts de l’Ouest. Études et documents paru en 1977 et consacré intégralement au vitrail en Bretagne2.

Ses recherches demeurent une référence incontournable, notamment pour qui s’intéresse à la production vitrée du XVIe siècle en Finistère et plus largement en Basse-Bretagne. Parmi les verrières étudiées par Roger Barrié se trouvent par exemple celles de l’église Saint-Thurien de Plogonnec et de l’église de la Trinité à Kerfeunteun, à Quimper, réalisées par l’atelier des peintres-verriers Le Sodec.

Détail de la baie 0 de l’église de la Trinité de Kerfeunteun, à Quimper
Détail de la baie 0 de l’église Saint-Thurien de Plogonnec

La discussion avec Roger Barrié a été particulièrement intéressante car elle a réaffirmé l’importance du sujet des vitraux – et d’autres productions artistiques contemporaines qui doivent être étudiées pour bien comprendre ceux-ci. Le sujet de l’atelier des Le Sodec est l’un de ceux qui me tiennent particulièrement à cœur et qui est au centre de la thèse de R. Barrié. La connaissance de cet atelier, de son rayon d’action, des œuvres qui lui sont dues ou qui ont été copiées d’après sa production ; toutes ces questions doivent être démêlées et éclaircies afin de mieux comprendre le travail des peintres-verriers dans la région de Quimper, et jusque dans le Léon, au XVIe siècle.

  • Les écrits d’Édouard Rayon

La Médiathèque du Patrimoine et de la Photographie, située à Charenton-le-Pont, conserve de très nombreux documents relatifs aux monuments historiques (archives, photographies, plans; etc.). Parmi ceux-ci se trouvent les rapports rédigés par un inspecteur des Monuments Historiques au début du XXe siècle. Dans les années 1930, Édouard Rayon parcourut divers départements français pour réaliser un inventaire des vitraux conservés in situ. Il a ainsi relevé des verrières dans le Finistère et les Côtes-d’Armor, appelées alors Côtes-du-Nord.

Ses rapports, non publiés, sont très intéressants car ils renseignent sur les conditions matérielles de son enquête et livrent des schémas et des observations sur les verrières de ces départements. Édouard Rayon écrit par exemple que son enquête dans le Finistère fut difficile car il y a une “grande distance des localités par rapport à la gare la plus voisine, trains trop rares lorsqu’il en existe, difficulté de rejoindre la station suivante quand on s’est arrêté à un endroit, rareté des automobiles en diverses régions : toutes ces raisons m’ont forcé dans l’étude des principaux groupes de faire encore un choix parmi les églises ou chapelles.”3 Pour les Côtes-d’Armor, l’auteur ne s’attarde pas sur les épreuves logistiques mais insiste sur l’inégale répartition des verrières et leur rareté : “Ce sont les dépendances, les chapelles perdues dans les forêts ou les régions montueuses, qui, seules, inopinément, présentent au voyageur des spécimens intéressants de la Peinture sur verre.”4

Cartes du Finistère avec les vitraux intéressants selon Édouard Rayon : Inventaire des vitraux du Finistère, 1932, rapport inédit conservé à la MAP (c) TL

On peut ainsi comparer ses dessins aux verrières en place comme, par exemple, la baie 0 de l’église Saint-Guinal située à Ergué-Gabéric. La plupart des mentions d’E. Rayon correspondent à ce qui visible aujourd’hui, si ce n’est quelques divergences dans les mouchettes du tympan de la baie, mais qui semblent plus relever de sa notation trop rapide5.

Détail de la baie 0 de l’église Saint-Guinal à Ergué-Gabéric
Schéma dessiné par Rayon de la baie 0 de Saint-Guinal

Les inventaires d’Édouard Rayon sont donc très intéressants pour ce qu’ils révèlent des conditions d’étude des vitraux au début du XXe siècle mais aussi de l’état des verrières dans les années 1930. Avec ces inventaires, quelques photographies prises entre la fin du XIXe siècle et les années 1950 sont conservées à la Médiathèque. Si la qualité de celles-ci ne permet pas une étude fine des vitraux, elles sont, encore une fois, la trace de l’état et de la visibilité des œuvres dans le premier tiers du XXe siècle. En outre, elles ont parfois été montées dans un cadre qui reprend celui des baies et des lancettes.
La comparaison entre ces photographies et celles prises aujourd’hui dans certaines églises est, à nouveau, intéressante et parlante. Ainsi pour la baie 0 de l’église Saint-Fiacre de Guengat.

Photo du fonds Rayon montrant, dans un montage, la baie 0 de l’église de Guengat
Détail de la baie 0 de l’église de Guengat
Détail de la baie 0 de l’église de Guengat
  1. Ce séjour a été complété par une tournée photographique au sein de plusieurs édifices du Sud Finistère. Je remercie infiniment les bénévoles des églises Saint-Guinal à Ergué-Gabéric, de la Trinité de Kerfeunteun à Quimper et de Notre-Dame de Kergoat à Quémévéven, pour avoir ouvert les portes des églises et avoir échangé avec moi sur ces monuments. ↩︎
  2. Numéro thématique “Le vitrail breton”, revue Arts de l’Ouest. études et documents, 1977-1. Outre ce numéro, Roger Barrié a publié de nombreux articles sur le patrimoine breton. Concernant les vitraux : “Les verres gravés et l’art du vitrail au XVIe siècle en Bretagne occidentale” dans Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, n°83, 1976, pp. 35-43 ; « Le vitrail breton et les Flandres », dans Bretagne-Flandres. Relations économiques, politiques et artistiques, XIVe-XVIe siècles, Quimper : Musée départemental breton, 1989, pp. 65-66. ↩︎
  3. Edouard Rayon, Inventaire des vitraux du Finistère, 1932, ET. 4° DOC. 6, planche 2. ↩︎
  4. Edouard Rayon, Inventaire des vitraux des Côtes-du-Nord, 1931, ET. 4° DOC. 13, planche 3. ↩︎
  5. En effet, une photographie datée de 1898, conservée à la MAP dans le fonds Rayon, montre des mouchettes identiques à celles visibles aujourd’hui. En outre, ces parties sont datées de 1516-1517 comme l’ensemble de la verrière (sauf quelques restaurations plus récentes) : cf. Françoise Gatouillat et Michel Hérold, Les vitraux de Bretagne, Rennes : Presses Universitaires de Rennes, 2005, pp. 126-127. ↩︎

Les restaurations des vitraux de la cathédrale de Quimper : conférence d’Antoine Le Bihan

Le cycle consacré à la cathédrale Saint-Corentin de Quimper (Finistère) se poursuit cet automne avec, notamment, une conférence présentée par Antoine Le Bihan.

Le maître verrier parlera des restaurations effectuées sur les vitraux anciens de la cathédrale et des problèmes associés à ces interventions. Cette conférence s’annonce passionnante pour les questions techniques, notamment, qui seront abordées. Les vitraux anciens de la cathédrale ont en effet été restaurés à maintes reprises, et en dernier lieu lors d’une vaste campagne dans les années 1990, menée notamment par l’atelier Jean-Pierre Le Bihan.

La conférence aura lieu le samedi 30 novembre, à 15h, à la médiathèque Alain-Gérard de Quimper (esplanade Julien Gracq).
Comme toutes les autres conférences de ce cycle, elle est gratuite mais soumise à inscription préalable auprès des Amis du Musée Départemental breton, en envoyant un courriel à l’adresse suivante : amismusee-breton[@]gmail.com ou par téléphone au 02 98 90 18 22.

Détail de la baie 100, en partie haute du chœur
(c) Dylan Nouzeran, 2024

Page de garde du programme du colloque

Un colloque consacré au vitrail en novembre à Genève

Les 15 et 16 novembre 2024, l’Université de Genève accueille un colloque portant sur le vitrail : Peindre en France : trente ans de recherches sur le vitrail du XVIe siècle.

Entre approches historiographiques et démonstration de la vitalité de ce champ d’étude, ce sera l’occasion de confronter les connaissances et les approches des chercheuses et des chercheurs à propos des verrières de plusieurs régions françaises.

J’aurai le plaisir de présenter une communication sur les vitraux anciens en Bretagne. Mon intervention reviendra sur trente ans, et un peu plus, de recherches sur ce sujet, sur l’état de la question aujourd’hui et les connaissances que nous avons sur le vitrail ancien et, enfin, sur les perspectives d’études.
Les apports du Corpus Vitrearum (volume sous la direction de Françoise Gatouillat et Michel Hérold, que je remercie vivement, paru en 2005) seront largement soulignés. Un retour sur les mémoires universitaires consacrés à la question, les publications récentes et les recherches en cours (dont un Master sous ma direction) sera fait, en parallèle d’une présentation des recherches que je poursuis actuellement et qui sont l’objet de ce carnet.

Une publication des différentes interventions est prévue courant 2025 aux éditions Silvana.

Page de garde du programme du colloque
Affiche du colloque – (c) Rafaël Villa

Le programme :
Vendredi 15 novembre

14h – Accueil et introduction – Frédéric Elsig & Rafaël Villa

Présidente de séance : Francine Giese (Vitrocentre)
14h30 – Trente ans au service du Recensement des vitraux anciens de la France. Esquisse de bilan – Michel Hérold (Corpus Vitrearum France)
15h – Les débuts d’Arnoult de Nimègue et la collaboration avec Gauthier de Campes à Tournai sous la loupe – Isabelle Lecocq (KIK-IRPA)

15h30 – Discussions et pause

Président de séance: Mauro Natale (UNIGE)
16h – Le vitrail dans le Beauvaisis : autour des ateliers Le Prince – Rafaël Villa (UNIGE)
16h30 – Les peintres et le vitrail à Paris dans la seconde moitié du XVIe siècle – Guy-Michel Leproux (Ecole Pratique des Hautes Etudes)

17h – Discussions

Samedi 16 novembre
Président de séance: Frédéric Elsig (UNIGE)
8h30 – Trente ans et un peu plus : historiographie récente des vitraux anciens en Bretagne et perspectives de recherches – Tania Lévy (Université de Bretagne Occidentale)
9h – Le vitrail dans le Berry et les enlumineurs berruyers – Marie Mazzone (UNIGE)
9h30 – Le vitrail en Touraine au XVIe siècle : un foyer de création et d’échanges – Aurélia Cohendy (Musée du Louvre)

10h – Discussions et pause

Président de séance: Rafaël Villa (UNIGE)
10h30 – Nicolas Cordonnier et les ateliers troyens de peinture sur verre – Camille Larraz (UNIGE)
11h – Grégoire Guérard, le Maître de Dinteville et le vitrail en Bourgogne – Frédéric Elsig (UNIGE)

11h30 – Discussions et conclusion

Présentation du programme. En haut et sur les côtés, des photos de vitraux présentant divers personnages. En jaune, les titres des communications; en noir et gras, les noms des intervenantes et intervenants ; en noir, les indications annexes. Programme : Vendredi 15 novembre 14h - Accueil et introduction - Frédéric Elsig & Rafaël Villa Présidente de séance : Francine Giese (Vitrocentre) 14h30 - Trente ans au service du Recensement des vitraux anciens de la France. Esquisse de bilan - Michel Hérold (Corpus Vitrearum France) 15h - Les débuts d'Arnoult de Nimègue et la collaboration avec Gauthier de Campes à Tournai sous la loupe - Isabelle Lecocq (KIK-IRPA) 15h30 - Discussions et pause Président de séance: Mauro Natale (UNIGE) 16h - Le vitrail dans le Beauvaisis : autour des ateliers Le Prince - Rafaël Villa (UNIGE) 16h30 - Les peintres et le vitrail à Paris dans la seconde moitié du XVIe siècle - Guy-Michel Leproux (Ecole Pratique des Hautes Etudes) 17h - Discussions Samedi 16 novembre Président de séance: Frédéric Elsig (UNIGE) 8h30 - Trente ans et un peu plus : historiographie récente des vitraux anciens en Bretagne et perspectives de recherches - Tania Lévy (Université de Bretagne Occidentale) 9h - Le vitrail dans le Berry et les enlumineurs berruyers - Marie Mazzone (UNIGE) 9h30 - Le vitrail en Touraine au XVIe siècle : un foyer de création et d'échanges - Aurélia Cohendy (Musée du Louvre) 10h - Discussions et pause Président de séance: Rafaël Villa (UNIGE) 10h30 - Nicolas Cordonnier et les ateliers troyens de peinture sur verre - Camille Larraz (UNIGE) 11h - Grégoire Guérard, le Maître de Dinteville et le vitrail en Bourgogne - Frédéric Elsig (UNIGE) 11h30 - Discussions et conclusion
Programme du colloque consacré au vitrail – (c) Rafaël Villa

Les conditions pratiques : le colloque est ouvert à toutes et à tous
Il se déroulera à l’adresse suivante :
Université de Genève
Battelle A RdC
Route de Drize 7
1227 Carouge

Prélude au XVIe siècle. Une conférence sur les vitraux de la cathédrale de Quimper – #1

Baie n°115 (détail), bras Nord du transept – (c) Dylan Nouzeran

En juillet 2024, j’ai répondu à l’invitation de mon collègue Arnaud Ybert, MCF en histoire de l’art médiéval, et de Mme Christine Prigent, professeure émérite en Histoire de l’art médiéval et présidente de la Société archéologique du Finistère. Leur demande était la suivante : donner une conférence sur les vitraux de la cathédrale de Quimper dans le cadre du cycle de conférences consacré à cet édifice. Divers aspects de la cathédrale, de l’histoire de la construction aux restaurations du bâtiment, sont proposés depuis janvier 2024, en collaboration avec la Médiathèque Alain-Gérard de Quimper et l’Association des amis du Musée départemental breton.

Mon intervention consistait en une présentation des vitraux de la cathédrale Saint-Corentin de Quimper. Vaste sujet…et inépuisable, d’autant moins en 1h30 ! J’ai donc décidé de me concentrer sur les vitraux anciens du chœur, du transept et des fenêtres hautes de la nef, et d’accorder beaucoup moins de place aux vitraux du XIXe et du XXe siècles (fenêtres basses de la nef et du déambulatoire). La préparation de cette conférence a été l’occasion de me replonger dans la matière vitrée bretonne, avec un sujet particulièrement riche.

La cathédrale de Quimper conserve en effet un ensemble important de vitraux du XVe siècle, qui ont été bien étudiés lors de la restauration des années 19901 puis lors des études en vue de la publication du Corpus Vitrearum (avant 2005)2. Par ailleurs, plusieurs articles de Jean-Yves Cordier sont revenus sur ces verrières dans les années 2010.
Les plus anciens sont conservés dans le chœur, dans les baies 100 à 112. Il ne reste ici, malheureusement, que quelques vestiges originaux. Beaucoup de panneaux ont été remplacés aux XIXe et XXe siècles, par des copies d’après les œuvres anciennes ou à la manière de l’ancien.
Dans le transept, plusieurs panneaux de la toute fin du XVe siècle sont plutôt bien conservés, complétés par des créations du XIXe siècle. Les fenêtres hautes de la nef datent également des dernières années du XVe siècle et présentent encore de nombreux panneaux anciens, bien que des compléments ou des créations soient venues combler les manques, toujours aux XIXe-XXe siècles.
Enfin, plusieurs panneaux ont été commandés à des verriers de renom depuis le XIXe siècle et occupent les fenêtres basses de la nef et du déambulatoire.

Détail de la baie 100, en partie haute du chœur – (c) Dylan Nouzeran, 2024
  1. Les verrières hautes du chœur : la baie n°100
    L’un des vitraux les plus impressionnants et à l’histoire rocambolesque est celui que l’on admire dans la baie n°100, au fond du chœur, à l’étage. Il s’agit d’un vitrail à 3 lancettes représentant au centre le Christ en croix, entouré de saint Jean et de la Vierge. Quand on lève les yeux vers les fenêtres hautes, cette verrière s’inscrit parfaitement dans l’ensemble du chœur, dont les travaux de vitrage sont datés des années 1410.
    Or il s’agit en fait d’une baie qui a été réalisée…à la fin des années 1990 ! En effet, l’atelier Jean-Pierre Le Bihan, intervenu dans la cathédrale lors des grands travaux de restauration des années 1990, a installé cette verrière. Pour comprendre les choix faits lors de cette restauration, il faut remonter dans le temps.

Dans les années 1960, le grand historien du vitrail Jean Lafond découvre dans un château du Lot un vitrail lui rappelant un dessin de Louis Ottin. En confrontant le dessin réalisé dans la seconde moitié du XIXe siècle et le vitrail du château de Castelnau-Bretenoux, il apparaît qu’il s’agit bien du vitrail de la cathédrale de Quimper. Comment est-il parvenu jusque dans la chapelle de cette demeure du Sud ? Cela fait suite aux nombreuses vicissitudes connues par les verrières de la cathédrale au XIXe siècle.

Dans les années 1850, Julien-Léopold Lobin réalise un vitrail représentant le Calvaire et destiné à la baie n°100 pour remplacer la verrière ancienne. À peine quelques années plus tard, au cours d’une nouvelle campagne de restauration, un autre peintre-verrier, Antoine Lusson, décide de remplacer cette œuvre de Lobin par une copie du vitrail du XVe siècle. Il est plutôt critique à l’égard de son prédécesseur et considère, avec d’autres, que son travail ne s’intègre pas bien dans le chœur de Saint-Corentin.
Le Calvaire de J.-L. Lobin est donc déposé et réutilisé par Joseph Bigot dans le cadre du chantier de restauration de l’église Saint-Idunet à Châteaulin (Finistère). On peut toujours l’y voir, dans le bras Nord du transept.

En 1869, Antoine Lusson pose sa copie du vitrail original dans la baie n°100, signée et datée. L’original n’est pas documenté et se trouve alors, peut-être, dans le fonds d’atelier d’Antoine Lusson. À la mort du dernier héritier du peintre, et après la guerre, ce fonds est vendu. Ce pourrait être l’explication de l’arrivée entre les mains du chanteur lyrique Jean Mouliérat, propriétaire du château de Castelnau-Bretenoux, de la Crucifixion quimpéroise du XVe siècle3. Cette dernière est remontée dans la chapelle du château, avec une inversion des lancettes latérales.
Pour voir des photographies de ce vitrail quimpérois in situ, il est possible de consulter le site de l’Inventaire.


Lors des restaurations des années 1990, il a été décidé de ne pas déplacer cet ensemble, pour des raisons de lisibilité et de conservation4. Il est donc possible aujourd’hui d’admirer une verrière bretonne du début du XVe siècle dans un château du Lot.

La question de la datation de cette baie, comme des deux qui l’encadraient, a longtemps été tranchée par le recours à une mention d’archive. Les registres de la cathédrale, conservés aux Archives départementales du Finistère, à Quimper, mentionnent en effet un certain Jamin, responsable en 1418 de la réparation et de la création de vitraux (2 G 141, f°27). Cette note a été interprétée par René-François Le Men comme la preuve de l’intervention de Jamin, ou Jean, au rond-point du chœur de la cathédrale. Cette attribution a été remise en question, particulièrement par les auteurs du volume du Corpus Vitrearum en 2005 (p. 172), et avant eux par Katia Macias-Valadez en 19975.

Françoise Gatouillat et Michel Hérold reprennent la chronologie et soulignent la faiblesse de cette preuve, qui ne désigne en fait qu’une intervention de réparation ponctuelle. Ils ne s’accordent pas avec K. Macias-Valadez sur la datation : cette dernière propose une fourchette entre 1418 et 1424 quand F. Gatouillat et M. Hérold se proposent de remonter la datation au début des années 1410 (avant 1415-1417).

Baie n°100, création de l’atelier Le Bihan d’après le vitrail original, 1992-1993 – (c) Dylan Nouzeran, 2024

Ces vitraux sont donc les plus anciens de la cathédrales et remontent au premier quart du XVe siècle. Si les vestiges des baies 100 à 102 sont dispersés et dans un état lacunaire, la survivance d’une grande partie de la baie 100 dans le Lot et la copie de l’atelier Le Bihan à Quimper permettent de mieux appréhender le décor vitré ancien de Saint-Corentin.

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  1. Voir par exemple les articles de Jean-Pierre Le Bihan dans le Bulletin de la Société archéologique du Finistère (1999, 2000). ↩︎
  2. Françoise Gatouillat, l’une des deux autrices du volume du Corpus consacré à la Bretagne, avec Michel Hérold, a par ailleurs publié un article conséquent dédié aux vitraux de la cathédrale en 2009 : « Quimper, cathédrale Saint-Corentin. Les vitraux anciens » dans le Congrès archéologique de France. Finistère, Paris : SFA, 2009, pp. 293-301. ↩︎
  3. Les investigations pour comprendre comment le vitrail quimpérois du XVe siècle s’est retrouvé dans le Lot, au début du XXe siècle, sont en cours. À suivre ! ↩︎
  4. Jean-Pierre Le Bihan a publié plusieurs articles et des billets de blog à propos de l’intervention de son atelier sur les vitraux de la cathédrale : voir https://jeanpierrelebihan.over-blog.com/tag/cathedrale%20quimper%20-/ ↩︎
  5. “Les vitraux des fenêtres hautes du choeur de la cathédrale de Quimper : un chantier d’expérimentation et la définition d’un style quimpérois” dans Mémoires de la Société d’Histoire et d’Archéologie de Bretagne, tome LXXV, 1997, pp. 205-242. ↩︎

Nouvelle publication : Art, religion et société : la production artistique en Basse Bretagne à la fin du Moyen Âge

La Société archéologique du Finistère publie un recueil des articles de Christiane Prigent, professeur émérite en Histoire de l’art médiéval. Cet ensemble, intitulé Art, religion et société : la production artistique en Basse Bretagne à la fin du Moyen Âge, rassemble divers textes qui interrogent plusieurs aspects de la création.

Ainsi les mécanismes de la commande, les aspects spirituels et théologiques de la production, le rapport primordial à la piété et à la religion mais aussi l’irruption d’une iconographie profane en contexte religieux sont abordés.

Par ailleurs, plusieurs œuvres font l’objet d’études de cas, qu’il s’agisse de mobilier ou d’architecture.

Il est possible de souscrire jusqu’au 30 septembre (très bientôt, donc) sur le site de la Société d’Histoire et d’Archéologie de Bretagne.

Photographie : SHAB