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  1. voir par exemple : https://www.franceculture.fr/emissions/revue-de-presse-internationale/la-revue-de-presse-internationale-du-lundi-26-novembre-2018
]]> https://atelierlagon.hypotheses.org/1457/feed 0 Innovation de la fiction et fiction de l’innovation https://atelierlagon.hypotheses.org/900 https://atelierlagon.hypotheses.org/900#comments Tue, 04 Dec 2018 10:55:31 +0000 https://atelierlagon.hypotheses.org/?p=900  

Être innovant : voilà une maxime dont la sobriété promet de laisser plus d’un ingénieur pantois. Pourtant, la légèreté avec laquelle l’on use et abuse du terme laisse songer qu’il suffit d’être frappé par la foudre, un peu à la manière d’un Agrippa d’Aubigné rédigeant ses Tragiques après avoir été saisi par le Saint-Esprit. Je propose que nous distinguions d’ores et déjà invention, originalité et innovation. Si l’artiste et l’inventeur solitaires peuvent bien naturellement apporter leur concours à la production d’objets et techniques innovants, cela même du fond de leur atelier ou de leur laboratoire, l’on ne peut rester aveugle à la nature éminemment sociale du travail d’innovation. L’innovation ne se borne pas aux limites physiques de l’objet. Elle implique en somme une préparation périphérique du contexte dans lequel l’objet doit être mis au jour. En un sens, nous pourrions distinguer deux faces d’un même processus : d’un côté, un travail proprement créateur et productif. D’un autre, le placement du produit en réalisation au centre d’une constellation de technologies et de besoins, de relations sociales et scientifiques préexistants. Après tout, le produit innovant n’apparaît jamais ex nihilo, pas plus que l’homme n’est sorti de la cuisse de Jupiter en l’espace de quelques instants. L’objet innovant se trouve toujours au carrefour d’un ensemble de paramètres matériels, théoriques et esthétiques qui en déterminent les conditions d’existence, et dont on s’attend à ce qu’il en modifie réciproquement les contours. Et nous tenons là une caractéristique propre de l’objet, ou de la technique innovante : innover, c’est toujours aussi satisfaire et perturber en même temps.

Au cours d’une conversation avec mes collaborateurs, au sujet des oeuvres qui constituent aujourd’hui encore une source d’inspiration majeure pour l’innovation technologique, m’est revenu le souvenir d’un objet en particulier. Cet objet, dont la commercialisation a été suivie d’une incorporation fulgurante dans notre quotidien, semble aujourd’hui ironiquement appartenir à un autre espace-temps; encore présent à titre d’inspiration et pourtant frappé par la désuétude. Il faut dire que le mythe a si bien été construit qu’il ne fut jamais tout à fait effacé des mémoires. En 2001, la société Apple commercialise son iPod. Nom futuriste, design accrocheur, son succès était garanti au-delà même des communautés amatrices de science-fiction. Effectivement, ce petit objet, dont le nom a peu à peu pulvérisé tous les homonymes concurrents, aurait été inspiré à ses inventeurs par 2001: A Space Odyssey, film de science-fiction réalisé par Stanley Kubrick, et dont la sortie sur grand écran en 1968 a généré un succès retentissant. Les amateurs du film se souviendront certainement de la capsule EvaPod, engin automatisé par une intelligence artificielle dont la parenté avec iPod ne semble vraisemblablement pas extrapolée1. Comme la capsule mise en avant dans le scénario du film, le iPod promettait à ses consommateurs une expérience qualitativement inédite : la possibilité de rassembler au bout de ses doigts sa bibliothèque audio pour consommer de manière mobile ses pistes favorites. Bien sûr, le Walkman avait été adopté par nombre de consommateurs depuis une vingtaine d’années déjà. Tout comme le iPod, il proposait à ses possesseurs d’emporter avec eux leur bibliothèque musicale afin d’en jouir n’importe où, n’importe quand. Seulement son tort, à compter de 2001, fut de l’avoir fait plus modestement que son successeur. Éreinté par la concurrence, il a à son tour été relégué au rang des objets désuets. Quoi qu’il en soit, il est ici manifeste que ce dont a joui l’iPod, au moment où il fit son apparition théâtrale à titre de produit « révolutionnaire », c’est clairement la réputation dont son lancement a été précédé. De ce point de vue, révolutionnaire (du latin re-voltare, qui signifie retourner, ou changer de face), il le fut sans l’ombre d’un doute. Cela précisément dans la mesure où, loin de se contenter de proposer une nouvelle manière d’expérimenter un phénomène préexistant2, il s’est proposé de redéfinir l’expérience des consommateurs, un peu à la manière du film de Kubrick, finalement. En le commercialisant, Apple a d’une part postulé la mise en place d’une nouvelle manière d’apprécier sa musique, mais encore, en a établi le monopole en construisant autour du produit l’illusion qu’il constituait un objet inédit, presque issu du futur. 
     

Anticipation de l’innovation, paradoxale par définition.

Nous en venons là à un aspect intéressant du produit innovant. De façon empirique, sa réalisation semble presque toujours accompagnée d’une anticipation paradoxale. D’une part, est innovant l’objet ou technique qui vient surprendre les attentes du commun des consommateurs; d’autre part, cette surprise n’est présente qu’en tant qu’elle enrobe une anticipation déjà présente, un besoin social virtuel, voire souvent déjà latent. ll faut dire que l’innovation se réalise sur le fond de sa propre mythologie. Par mythologie propre, j’entends non pas le mythe prométhéen qui tend à justifier la technique humaine par sa nécessité et sa beauté intrinsèques, mais bien l’environnement fictionnel qui accompagne et conditionne l’innovation. Pour aussi réelle et effective que soit l’innovation, une fois portée à terme, elle apparaît donc toujours doublée d’une existence fantasmée. Bien sûr, un tel adjectif reste sujet à caution, et nous ne prétendrons nier ici l’existence des luddites, pas moins que celle des ennemis de la science-fiction, d’ailleurs. Reste que l’efficacité des fictions mises en avant dans les discours publicitaires, oeuvres littéraires (pensons à l’enthousiasme qui a accompagné la publication des cinq volumes de Dune, célèbre série de Frank Herbert, du Ender’s Game de Orson Scott Card ou encore du Neuromancer de William Gibson) et cinématographiques ( 2001: A Space Odyssey, Stanley Kubrick; mais encore le phénomène Star Warsetc.), et discours politiques sur l’innovation et ses principes est sans équivalent. L’on détient là, il me semble, un phénomène pour le moins intéressant : l’innovation répond constamment à un ensemble de fantasmes partagés, nourris par un enthousiasme collectif au nom duquel est polarisée une quantité le plus souvent étourdissante d’attention, de capitaux, d’encre versée, de discours… Cela au point d’en modifier le visage politique, économique et écologique de nos sociétés. Finalement, en l’absence d’une fiction de l’innovation, d’un leitmotiv des progrès techniques et scientifiques réalisés, l’on ne parvienne jamais vraiment à innover. Pour l’essayiste Jeremy Rifkin3 , ce fut d’ailleurs entre autres le drame qui conduisit le mandat Obama à se laisser dépasser par la prolifération des programmes et projets économiques en tous genres : en l’absence d’un récit annonciateur, d’une fiction de l’innovation en cours et à venir, l’innovation reste condamnée à n’être qu’une succession de tâches dénuée de cohérence. Inversement, les innovations restées, à titre de fictions, ignorées par les acteurs économiques et politiques les moins attentifs ont entraîné avec elles le déclin d’un grand nombre d’activités. Pensons par exemple aux compagnies du disque, mais encore aux éditeurs d’encyclopédies à l’ère de plateformes en ligne innovantes telles que Youtube ou Wikipedia. De ce point de vue, il semble qu’il faille reconsidérer la portée qu’ont les récits développés autour de l’innovation. En dépassant son apparence purement laudative, nous pourrions bien y retrouver, sinon une prophétie des innovations futures, du moins un enthousiasme fort anticipateur pour les bouleversements à venir.        

L’innovation de la fiction et l’ouverture des possibles.

Les récits de science-fiction figurent donc, comme il aura été évoqué précédemment, parmi les moteurs principaux des fantasmes et ambitions innovantes de nos sociétés. Mais la raison pour laquelle je souhaite y mettre l’accent ne se limite pas à sa fonction anticipatrice. Après tout, l’anticipation est déjà présente lorsque nous prêtons attention aux discours tenus dans les milieux économiques ou encore médicaux jugés innovants. Certes, la science-fiction est à proprement parler une fiction de l’innovation, avons-nous dit. Mais ce qui fait le propre du récit de science-fiction, c’est que nous pourrions en dire qu’il constitue lui-même une innovation de la fiction. Penser un roman de science-fiction hors des bornes de l’innovation, cela reviendrait à penser le roman hors du cadre de l’utilisation d’un langage. Sans innovation, pas de science-fiction. Les deux concepts semblent en fait intrinsèquement liés, en cela même qu’ils renvoient à une même propriété de l’esprit humain, à savoir l’imagination. Les amateurs du genre le reconnaîtront certainement : la science-fiction place en son coeur un ensemble de fantasmes cosmologiques et scientifiques dont les enjeux restent intemporels. C’est là son intérêt théorique principal : problématiser non seulement ce qui existe présentement, mais encore ce qui pourrait bien exister dans un futur plus ou moins lointain. Explorer l’univers hors de l’atmosphère terrestre, coloniser des planètes inconnues, faire la découverte de nouvelles civilisations, apprendre de nouvelles techniques, vivre mieux, plus longtemps, en meilleure santé… Voilà autant de thèmes qui, tout en nous apparaissant comme manifestement fantasques, laissent présager que l’espace qui sépare leur mise en réalisation du temps présent est réduit un peu plus chaque jour. Loin d’infirmer ce sentiment, des fictions telles que De la Terre à la Lune, dans laquelle Jules Verne décrit, en 1865, la conception d’un véhicule projectile dont la ressemblance avec le module Apollo 13 est frappante. Tout comme les fictions innovantes que nous avons eu l’occasion de mentionner plus tôt, le récit de Jules Verne propose de manière pragmatique une exploration de l’imaginaire humain. Sa manière de procéder est la suivante : faire “comme si” tous les scénarios étaient possibles, et à partir de cette attitude fictionaliste de simulation, construire un pont entre l’état actuel des choses et les fantasmes auxquels on se livre. Chez Verne, ce pont se trouve être une description remarquablement réaliste de protocoles expérimentaux destinés à mettre en réalisation ses ambitions. Dans d’autres récits innovants, à l’inverse, l’on peut très bien aussi retrouver le même souci de rapprocher le possible de l’actuel par la problématisation, au sens où l’entend Foucault4 (il s’agit alors de dégager les implications et conséquences potentielles des innovations en cours). En faisant le tour d’horizon du champ des possibles, les fictions proprement innovantes sont donc celles dont les scénarios exploitent, parfois à l’extrapolation, les potentialités contenues dans l’état présent du monde. Et puisque l’histoire de l’innovation nous a maintes fois démontré le potentiel pratique du fantasme, attendons-nous à ce que les fictions de l’Innovation continuent à se nourrir des récits innovants pour appliquer sans relâche nos esprits à l’exercice exigeant de l’imagination. Mais surtout, prenons l’habitude, à la manière du lecteur de science-fiction, de nous laisser surprendre par le cours des évènements, et ce, en nous gardant de questionner la pertinence de ce dont nous ne soupçonnons pas encore la virtualité.  

 

  1. The coolest thing about iPod is that your entire music library fits in your pocket. Ok?” (…) “You can take your whole music library with you, right in your pocket. Never before possible. So that’s iPod.“; extrait d’un discours de Steve Jobs, issu de l’article de Rhiannon Williams pour The Telegraph, 23/10/2014, disponible à cette adresse
  2. cf. “From Macs to iPods : How Apple revolutionised technology”, Alex Hurn for The Guardian, 02/08/2018
  3. La Troisième Révolution Industrielle, 2011
  4. Pour plus d’éléments au sujet de la problématisation fictionnelle, cf. Rumpala, Y. (2010). Ce que la science-fiction pourrait apporter à la pensée politique. Raisons politiques, 40,(4), 97-113. doi:10.3917/rai.040.0097.
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https://atelierlagon.hypotheses.org/900/feed 2
Ontophanie et expérience https://atelierlagon.hypotheses.org/977 https://atelierlagon.hypotheses.org/977#respond Tue, 27 Nov 2018 12:24:27 +0000 https://atelierlagon.hypotheses.org/?p=977

Nous avons déjà vu que dès que nous touchons au sujet de l’innovation, l’opposition entre conservatismes et progressismes, entre passéistes et futuristes, entre luddites et anti-luddites apparaît pour provoquer une dichotomie stricte des points de vue et produire une classification simple mais qui est, nous l’avons déjà noté, vraisemblablement réductrice.

Pour autant, nombre d’auteurs de philosophie de la technologie ont traité de l’apparition d’une nouvelle technologie et des modifications qu’elle engendre dans le référentiel des individus, dans leur paradigme technologique et empirique. De ce fait, pour un auteur comme Stéphane Vial1, chaque nouvelle technologie s’accompagne de son référentiel perceptif car chaque nouvelle technologie est une “ontophanie”, c’est-à-dire une manière pour les choses d’apparaître au travers de l’ensemble paradigmatique technologique. Les technologies nouvelles produisent ainsi des matrices ontophaniques, qui sont l’expression même des référentiels perceptifs et phénoménologiques de chacun selon l’état de la technologie. Stéphane Vial écrit ainsi2, à propos des technologies numériques qui sont l’objet de son ouvrage : “Et il n’y a pas de fracture numérique générationnelle. Il n’y a que des matrices ontophaniques datées, qui se superposent et coexistent. Par là, on vérifie que la perception est la chose la moins naturelle du monde : à chaque époque, l’acte de percevoir s’apprend à l’aide des techniques existantes.” La notion de matrice est ici importante car elle renvoie à une forme de bulle formée autour du sujet et dans laquelle il finirait par s’enfermer, faute de savoir renouveler le plaisir de l’être-au-monde. Cette analyse n’est pas sans rappeler celle de G. Simondon3 qui insiste sur le caractère déterminé socialement d’un objet technique : “L’être technique devient objet non pas seulement parce qu’il est matériel, mais aussi parce qu’il est entouré d’un halo de socialité ; aucun objet n’est purement objet d’usage, il est toujours partiellement surdéterminé comme symbole psychosocial.”

La technologie produirait donc à la fois une manière de voir et une manière d’être du monde. Le phénomène est donc toujours phénoménotechnique, c’est-à-dire dépendant d’un ensemble déterminé de relations entretenues avec les apparitions. La technologie influence donc le rapport que nous entretenons au monde au travers d’une sorte de cadre phénoménologique qui est la conséquence de l’usage technologique. Il est vrai que la technologie impose souvent un mode de fonctionnement qui est propre à la manière même de l’utiliser. Le marteau définit non seulement la méthode d’utilisation, mais aussi la manière de considérer le clou à enfoncer. L’usage d’une cloueuse pneumatique modifie encore ce rapport. C’est donc au travers du moyen technologique que se définit le rapport au monde et l’introduction de technologies influence ce rapport.

Ainsi, l’introduction du téléphone fixe dans les ménages a provoqué une transformation de la manière qu’a le monde d’apparaître. Il y a d’abord une relation entretenue avec l’objet lui-même en tant qu’il est dépositaire d’un design. Mais c’est surtout un objet intentionnel qui permet une interaction avec autrui très différente des rapports habituels. En ce sens, la diffusion du téléphone est une rupture dans le mode de communication entre les individus, basée sur une relation temps réel distante. Rien à voir avec le billet ou le télégramme ! La distance n’est plus un problème avec cette technologie, pas plus que ne l’est le temps. Il devient possible d’avoir immédiatement “au bout du fil” un interlocuteur dont les réponses sont immédiates, autrement dit, il devient possible d’établir une conversation quand auparavant on entretenait une correspondance.

L’introduction de nouvelles technologies, l’innovation technologique doit donc être le moment de la rupture entre deux ontophanies. L’innovation technologique doit être d’une influence telle qu’elle transforme la manière d’apparaître phénoménologiquement le monde, elle doit être une nouvelle phénoménotechnique de sorte que l’on puisse dater un avant et un après de l’innovation technique. Elle modifie donc le rapport au monde par un changement de la pratique du monde. En ce sens qu’elle est technologie, elle a trait à une certaine forme de pratique, d’exercice vis-à-vis d’un objet, d’un processus, d’une chose. Elle définit donc l’expérience du monde que nous avons. L’innovation technologique doit donc modifier cette expérience du monde, comme nous l’avons vu pour le cas du téléphone. Il suffit de prendre d’autres exemples pour comprendre comment notre expérience du monde est influencée par la technologie et son innovation : téléphone mobile, ordinateur portable, lunettes connectées sont autant de technologies qui, au moment de leurs sorties, ont provoqué des modifications des matrices ontophaniques des contemporains, soit par ajout de nouvelles ontophanies, soit par suppression4. La matrice ontophanique d’un individu est une somme d’ontophanies temporaires, plus ou moins durables, qui constitue l’identité phénoménotechnique de l’individu.

Au final, l’individu, pour s’adapter dans l’expérience au monde, doit donc s’appuyer sur sa propre matrice ontophanique qui va décrire le monde dans sa perception. Ainsi, “Envoyer un message” revêt un caractère de possibles numériquement plus important pour un quadra que pour un ado. Alors que le premier peut imaginer un ensemble de solutions allant du pigeon voyageur au SMS en passant par le courrier, l’ado considèrera plus rapidement l’utilisation de Snapchat ou autre Messenger ! C’est peut-être ce qui conditionne la disparition progressive du plaisir de l’apparition ontophanique : à force d’alimenter une matrice ontophanique, l’individu finit par avoir tant de choix ontophaniques qui répondent à son besoin que la nouvelle ontophanie n’apparaît plus avec ce caractère d’impérieuse nécessité que semble vouloir susciter l’innovation technologique5. L’expérience du monde serait ainsi constituée non seulement d’une matière du phénomène (la sensation pourrait dire Kant), mais surtout d’une forme dépendante de la totalité des expériences précédentes réglées par des apports ontophaniques issus des différents changements induits par l’innovation technologique.

Il nous faudra donc nous interroger sur le pouvoir restructurant de l’expérience que posséderait l’innovation technologique et qui pourrait être une des sources d’explication du phénomène de diffusion de l’innovation et peut-être de résistance au changement.


  1. VIAL, Stéphane et LÉVY, Pierre, L’être et l’écran : comment le numérique change la perception, Paris, France : Presses universitaires de France, 2013. ISBN 978-2-13-062170-6
  2. Op. cité, p. 146
  3. SIMONDON, Gilbert, Sur la technique, 1953-1983, Paris, France : Presses universitaires de France, 2014, ISBN 978-2-13-062528-5
  4. Quel quadragénaire aujourd’hui a reçu ou émis un télégramme ? Quel adolescent connaît le fax ou le minitel ?
  5. Que les experts en mercatique nomment souvent “l’effet waouh”
]]> https://atelierlagon.hypotheses.org/977/feed 0 De l’innovation médicale à l’innovation comportementale https://atelierlagon.hypotheses.org/1044 https://atelierlagon.hypotheses.org/1044#respond Mon, 26 Nov 2018 15:34:57 +0000 https://atelierlagon.hypotheses.org/?p=1044

L’observation est à l’origine des grandes avancées médicales et au cœur de sa réflexion. L’on peut prendre l’exemple du constat suivant : les personnes qui survivent aux maladies (peste, variole etc.) sont épargnées des épidémies suivantes. C’est ce même constat qui va donner suite aux premières réflexions sur ce que l’on appellera plus tard : la vaccination, première grande innovation médicale.

Qu’est-ce que l’innovation médicale ?

Par innovation médicale, on entend ici non seulement la mise en place de techniques, produits, substances novatrices dans le domaine de la santé (vaccins,nouveaux médicaments etc.) mais également et surtout l’introduction de nouveaux moyens techniques qui tirent leur caractéristique novatrice de leur utilisation, leur but. En clair, l’innovation médicale porte également sur l’appropriation de moyens déjà existants mais pour des fins novatrices (e.g. la robotisation, le big data).

D’où vient-elle ?

L’innovation médicale vient de l’observation de deux problématiques principales : celle de la capitalisation des connaissances médicales, et celle du temps. Il n’est pas évident pour un médecin de capitaliser toutes ses connaissances symptomatiques en un temps réduit, temps imposé par le développement de la maladie, un temps non-voulu et non-modifiable. Le domaine médicale est contraint au rythme de la maladie du malade et aux connaissances dont il dispose selon l’époque.

Il est en effet possible -et là l’on en vient à détacher la première problématique de la seconde- que le médecin manque de connaissances, ne sache plus, ou qu’il n’ait jamais su. Par sa condition d’être humain, il possède des connaissances médicales exhaustives, un savoir limité (c’est pour cela d’ailleurs que l’on divise le domaine médical en champs d’expertises e.g. le chirurgien, l’oncologue, le radiologue, le dentiste etc.).

Bien que spécialiste, le médecin est en droit de ne pas savoir, de ne pas comprendre, de ne pas connaître ou de connaître mais que trop tard. Les premiers symptômes connus du cancer par exemple ne sont visibles qu’après cinq ans du développement de la tuméfaction. Cinq ans de développement est une durée bien souvent fatale pour les victimes.

C’est cette observation du manque de temps/connaissance qui fait naître l’innovation médicale. Celle-ci a pour but de montrer plus que ce que les yeux montrent. Elle se doit d’aller au-delà des limites de l’homme savant. On a besoin de temps, de connaissances, de rapidité, de savoir. L’innovation médicale est conçue, pensée comme bras droit du médecin. Elle a pour but de l’aider,non de le remplacer : elle « augmente son cerveau »[1]. La chirurgie-assistée[2] est mise en place par exemple pour améliorer la qualité d’une opération, pour que celle-ci soit moins intrusive, plus précise et plus stable pour le médecin puisqu’elle homogénéise les mouvements et les rend plus fins.

Qu’engendre-t-elle ?

L’innovation introduit de facto une réactualisation des habitudes contemporaines : elle déstabilise ce qui était stable auparavant, elle apporte des modifications, modifications avec lesquelles l’on doit composer. Donc, lorsque survient une innovation, il s’agit de lui faire une place, de s’adapter à elle, à la nouveauté, de restabiliser ce qu’elle a déstabilisé.

Bien qu’elle ait été conçue dans le but de faciliter la compréhension, l’innovation médicale, et plus particulièrement l’innovation technologique médicale pose certains problèmes d’ordre éthique. La reconstitution 3D des scanners par exemple a été pensée pour faciliter la compréhension et se préparer aux opérations sur le corps du patient. Celle-ci pose néanmoins des problèmes. En effet, par la réalité augmentée, on cherche à superposer des images sur un corps, jusqu’à crée un clone digital du malade, du futur-opéré. Ainsi, l’on ne risque plus de voir un corps mais une machine, qui répond précisément à ce que l’on a pu concevoir à travers les images.

Or un corps est mouvant, multiple, habité : chercher à le mécaniser ne reviendrait-ce pas à le déposséder ?

Le corps n’est pas à prévoir. L’appréhender par des images, préparer l’opération « comme un pilote simule son vol » reviendrait à le réifier. Le corps est réduit à la simple succession d’images, images fixes. Le médecin se contente de consulter la machine d’imagerie, de penser à son opération en oubliant la dimension individuelle du corps. C’est à croire que Canguilhem avait anticipé un tel problème dans son œuvre Le Normal et le pathologique : un médecin ne peut qualifier un individu de « malade » sans s’être référé à lui avant, sans l’avoir consulté. Ne consulter que le mécanisme de son corps n’est pas suffisant, le médecin soigne des corps parlants, non des machines : « c’est toujours à l’individu qu’il faut se référer »[3].

Mais le patient n’est pas la seule victime des nouvelles technologies, le médecin est aussi touché. En utilisant la machine comme outil, il apprend à ne plus savoir : « Aujourd’hui mes yeux ne me servent plus à grand-chose, l’examen clinique disparaît peu à peu. Les outils numériques dont nous disposons permettent de lire des images ou des analyses plus finement que nous saurions le faire. Chez les spécialistes surtout, l’intelligence artificielle prend de plus en plus le pas sur l’expertise humaine ».[4]

En Chine, le robot Xiaoyi a passé le concours de médecine avec succès et exerce aujourd’hui en milieu hospitalier pour conseiller des patients. Il permet de gagner du temps, ou du moins d’en dégager pour les cas sévères, sérieux, en diagnostiquant les petites affections : il effectue une sorte de tri. Mais, « le jour où un robot vous annoncera que vous avez un cancer, vous aurez besoin de parler avec un être humain »[5]. Tout comme le médecin doit se référer au patient, le patient aussi éprouve le besoin de se référer à un humain, à son médecin.

Le médecin devient machine, le corps du patient est rendu immobile, prévisible et mécanique.

L’innovation médicale prend une place considérable dans les milieux hospitaliers et tend à s’installer dans les foyers. Les nouvelles applications sur téléphone, les nouveaux sites de recensement de pathologies sont accessibles à tous et transforment les comportements. Avant une consultation, le patient a désormais la possibilité d’avoir assimilé ses symptômes à une maladie. Il est alors disposé, selon lui, à remettre en cause ce que le médecin diagnostiquera, ce qui altère alors la relation de confiance entre lui et le patient : ce dernier, sceptique, doute de celui à qui il demande de l’aide, et risque de se sentir incompris, se refermer. On ne consulte plus pour connaître le problème mais pour que l’on prescrive des solutions.

Mais en plus d’altérer la relation patient-médecin, cette nouvelle accessibilité transforme considérablement la vision qu’une personne porte sur elle-même. Il y a effectivement un risque de représentation constante d’un soi malade. En recherchant sans cesse quelle pathologie nous avons, l’on en oublie ce que c’est d’être en bonne santé.

Les nouvelles technologies transforment le comportement des individus entre eux et leur statut individuel. Le médecin ne considère plus son patient comme un patient mais comme une machine. L’innovation homogénéise les corps, les réifie et mécanise la relation médecin-patient. Alors qu’elle devrait être un soutien pour le médecin, celle-ci tend à le remplacer, à mettre en doute sa parole, et à accroître la paranoïa chez les patients. Il est clair que l’innovation n’a jamais eu pour ambition d’engendrer ces problèmes éthiques (que l’on rappelle être la mécanisation du corps, de la relation médecin-patient, altération de la confiance, l’oubli de l’état de santé). Ces problèmes ne sont constatables qu’a posteriori. L’innovation médicale et surtout son adaptation dans la société n’est jamais prévisible, il s’agit alors de faire preuve de vigilance.

Pour faire preuve de vigilance, il faut savoir observer. Et comme on a pu l’expliquer au début de ce billet, l’observation a toujours été au cœur de la médecine.


[1] https://sante.lefigaro.fr/article/jacques-marescaux-le-chirurgien-prepare-son-intervention-comme-un-pilote-simule-son-vol-/

[2] https://imm.fr/loffre-soins/medecine-experte/chirurgie-assistee-robot/

[3] G. Canguilhem, Le normal et le pathologique, op.cit., p.118.

[4] Julien Bisson, Le Un 1, « Une santé de plus en plus connectée ».

[5] Ibid.

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https://atelierlagon.hypotheses.org/1044/feed 0
La question de l’écologie https://atelierlagon.hypotheses.org/890 https://atelierlagon.hypotheses.org/890#comments Wed, 14 Nov 2018 15:53:13 +0000 https://atelierlagon.hypotheses.org/?p=890 Lorsque l’on s’interroge sur l’écologie et son lien avec l’innovation, il est frappant de constater plusieurs types de discours antagonistes. En effet, mis à part les tenants d’un status quo qui est en réalité un refus de la question, on voit aisément se développer un discours confiant dans la capacité des sciences et des techniques à résoudre les problèmes écologiques et un discours dit de “décroissance” qui tend à limiter l’empreinte écologique par une stratégie de renoncement à certaines pratiques.

Ce discours, que d’aucuns qualifieront certainement de “luddite”, se base sur le constat que depuis la première révolution industrielle, chaque innovation s’est traduite par un accroissement de l’influence écologique néfaste. En effet, la révolution mécaniste basée sur la consommation de charbon ou la révolution du pétrole se sont soldées par un impact climatique exceptionnel, inattendu certainement mais indéniable. L’accroissement du confort individuel (qui inclut également le progrès des soins et donc l’accroissement de la population) a eu des conséquences que chacun peut constater : appauvrissement des sols, diminution du nombre des espèces, pollutions diverses, changement climatique.

Devant l’urgence climatique qui nous fait face1, les partisans de cette position proposent de ne plus produire de nouveau confort qui provoquerait de nouveaux impacts écologiques. L’idée est que l’humain dispose d’un confort disproportionné par rapport à ses besoins réels. Qui plus est, ce confort n’est pas équitablement réparti entre les hommes, si bien que certains, qui ont tout, continuent une course folle à l’accroissement de leur confort, tandis que d’autres, qui n’ont rien, n’aspirent qu’à atteindre le niveau de confort des premiers. Or, dans cette conception, cette course au confort n’est pas compatible avec le respect de notre environnement et ne l’a jamais été2.  Cette dénonciation n’est pas nouvelle et les scientifiques depuis le XIXème siècle (donc peu de temps après la révolution industrielle mécaniste), ont indiqué que ces nouveautés provoquaient des conséquences non souhaitables depuis le brouillard londonien dû à la combustion du charbon, jusqu’à la modification des pratiques agricoles, encore plus manifeste depuis la fin de la Deuxième Guerre Mondiale. Le constat de cette situation et de son incompatibilité est donc contemporaine des évolutions de la production.

La solution préconisée est donc un arrêt de la quête permanente de confort, un renoncement à une forme de superflu (qu’il faudrait bien entendu expliciter), un partage du confort indispensable dont on mesure les conséquences environnementales. Ainsi, il ne s’agit pas de renoncer à toute forme d’innovation, mais comme les luddites finalement, de refuser celles qui provoqueront à coup sûr de nouveaux impacts négatifs sur l’environnement.

A l’opposé, nous entendons aussi un discours strictement confiant dans la technologie et dans la science qui assure que demain, quelqu’un trouvera comment résoudre le problème. Il est donc fondamental, dans cette acception, de ne rien brider de la science et de la technique car ce n’est que par la découverte, parfois hasardeuse (le fameux concept de sérendipité), de nouveaux produits, de nouvelles méthodes, que la solution pourrait arriver. De fait, les voitures consomment moins de carburant qu’il y a trente ans, mais il y en a plus. L’industrie agro-alimentaire n’a jamais été si productive, ni si utilisatrice de produits phytosanitaires néfastes à l’environnement et à la santé de l’homme.

Cette conception, confiante en l’avenir, repousse à demain l’émergence d’une solution, au prix d’un risque de procrastination permanente. Pourtant, un certain nombre de découvertes on pu modifier ou modifieront l’approche de l’environnement. On peut penser par exemple à la production électrique via des éoliennes ou des panneaux solaires qui permet de s’affranchir des centrales à charbon. Certes, la production de ces solutions n’est pas sans conséquence écologique : elle nécessite des minerais qu’il faut extraire, une industrie de fabrication, et pose un problème complexe de recyclage. Mais ces défauts sont communs à tous les modes de production d’électricité (il suffit de penser au difficile traitement des déchets nucléaires). La différence porte sur le fait que pendant leur durée de vie, ces moyens de production d’énergie sont réputés moins polluants.

La position de confiance en la science est donc une position reposant sur une stratégie de substitution progressive de moyens de production très polluants à toutes les étapes de vie par des moyens qui sont moins polluants en ce sens que certaines étapes de leur vie sont considérées comme positives au regard du rapport qu’elles apportent relativement à leur coût écologique. L’innovation est donc à concevoir comme ce qui va permettre une transition écologique douce, c’est-à-dire avec le moins de conséquences inconfortables pour ceux qui disposent d’un confort aujourd’hui incompatible avec l’exploitation de l’environnement.

Au final, ces deux positions sont opposées non pas dans le but ultime qui est la préservation de l’environnement, mais sur le cadencement du changement d’habitudes, de la transformation sociétale. Dans les deux cas, la préservation de l’environnement passe par une transformation : pour les théories de la décroissance, la transformation repose sur un renouvellement des pratiques humaines3 alors que pour les théories de confiance en la science et les technologies, la transformation repose sur la production de nouveaux objets plus vertueux écologiquement.

On conçoit aisément que la différence est aussi, de fait, liée à la compatibilité avec un système économique. Et c’est en cela que ce sujet rejoint notre précédente analyse sur les luddites, car c’est bien une nouvelle fois la question de la responsabilité qui est posée avec une articulation entre l’intérêt général et l’intérêt particulier.

En effet, les théories décroissantes sont incompatibles avec une course économique à la croissance du PIB. Elles préconisent un coup d’arrêt dans le système économique tel qu’il existe, une rupture avec ce modèle et la création d’un nouveau système économique. En ce sens, elles prônent une innovation politique qui passe par la destruction de l’ancien régime économique.

A l’inverse, les théories positives ne semblent pas attachées à la question et, ne remettant pas en cause le système économique, permettent à celui-ci de continuer à se développer sans contrainte, donc dans une direction incompatible avec la préservation de l’environnement. Si le sujet de la préservation de l’environnement n’avance pas, la responsabilité en incombe aux scientifiques qui ne trouvent pas et aux ingénieurs insuffisamment ingénieux ! C’est ainsi une dialectique dénaturée qui déresponsabilise les innovations économiques, au détriment des innovations de savoir qui sont celles susceptibles de préserver l’environnement.

Nous voyons donc, par cette réflexion, se dessiner des distinctions entre les types d’innovation qui dépendent de leur téléologie et du degré de responsabilité qu’elles endossent. Alors que l’innovation par la science ou l’innovation par la décroissance porte sur la manière de prendre en compte les problèmes de l’humanité pour les traiter4, l’innovation économique ne semble viser qu’un intérêt privé. S’il ne s’agit pas ici de trancher entre ces innovations dans un jugement de valeur qui risquerait d’être non philosophique, il n’en demeure pas moins que la différence conceptuelle existe entre ces différentes nouveautés et que le lien porte sur la question de la responsabilité et de la liberté. L’innovation économique est-elle le lieu de la liberté individuelle déresponsabilisée ? L’innovation responsable est-elle un affaiblissement des libertés individuelles ? Ces innovations sont-elles de nouvelles servitudes ?

  1. Voir J. JOUZEL et P. LARROUTUROU, Pour éviter le chaos climatique et financier, Odile Jacob, Paris : 2017, ISBN 9782738141163
  2. Si tous les humains existants sur Terre devaient avoir le même mode de vie d’un Américain du Nord, ce sont près de 5 planètes qui seraient nécessaires !
  3. Innover, c’est “se renouveler” étymologiquement
  4. A ce titre, c’est peut-être ce qu’il faut appeler “progrès”.
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Transformation et innovation https://atelierlagon.hypotheses.org/654 https://atelierlagon.hypotheses.org/654#respond Mon, 12 Nov 2018 13:12:56 +0000 https://atelierlagon.hypotheses.org/?p=654 Au travers de nos premiers travaux en commun au sein de l’atelier Lagon, nous avons abouti à une première proposition de définition de l’innovation : « Développement nouveau d’une ou plusieurs disciplines ayant, suite à son acceptation sociale, une forte influence rapide sur le mode de vie, d’être ou de penser ».

Cette première définition, aussi imparfaite soit-elle, met l’accent sur ce qui semble être une des caractéristiques de l’innovation, le pouvoir de transformation à une échelle importante. En effet, l’innovation apparaît toujours comme porteuse de modifications importantes dans un domaine ou plus largement dans un groupe humain. La nouveauté que l’on nomme innovation est de celles qui marquent un groupe et qui se répandent.

On peut par exemple penser aux propulseurs de sagaie découverts à Laugerie Basse, en Dordogne, à quelques kilomètres des Eyzies de Tayac, dont le style témoigne d’une influence (voire d’une copie) de la technique utilisée plusieurs dizaines de kilomètres en aval, dans le Bordelais : la technique de production du propulseur est ré-utilisée (peut-être en lien avec le déplacement de certains individus d’un clan à l’autre), elle se diffuse pour devenir un élément structurant des types de propulseurs dans des groupes humains donnés dans une géographie déjà étendue.

Plus proche de nous, l’apparition du smartphone n’a pas seulement consisté en l’introduction d’un nouvel objet qui, du reste, comparativement aux téléphones portables en usage, est lourd, encombrant et fragile, mais aussi et surtout dans la modification profonde des comportements associés à la pratique de la télécommunication, dans tous les pays où le smartphone a été introduit1, indépendamment des cultures. Ces changements de comportement, introduits par la téléphonie itinérante2, sont autant remarquables par leur étendue que par leur diffusion extrêmement rapide.

Les réseaux sociaux, les objets virtuels numériques 3D, les algorithmes de recommandation sont autant d’exemples supplémentaires permettant d’illustrer le caractère de transformation que semble porter en elle l’innovation.

Cependant, qu’est-ce que cette “transformation” ? Comment comprendre le pouvoir transformateur de l’innovation ? Existe-t-il une essence de l’innovation telle qu’elle se caractérise par ce pouvoir de transformation ? Qu’est-ce que l’acceptation sociale ?

Transformer

La transformation est un processus qui décrit le passage d’un état premier à un état second. En ce sens, elle est une transition entre deux états stables. Elle est une modification, inscrite dans la durée, provoquée par quelque chose ou quelqu’un, de manière volontaire ou non. Les bornes de la transformation constituent des points stables, des éléments formés et transformer, c’est convertir le point de départ en point d’arrivée. La transformation introduit donc une phase transitoire entre les deux états qui est une phase d’instabilité dans laquelle le premier état n’est pas complètement révolu, pas plus que le second atteint. Pour autant, l’objectif de la transformation n’est pas l’instabilité inhérente au changement de forme ou d’état, mais transformer, c’est précisément conduire le changement de telle manière qu’à l’état premier ne puisse correspondre que le second état.

Pour autant, transformer, c’est introduire cette instabilité primitive, c’est désorganiser une situation donnée et stable pour provoquer son changement. De la même manière que le réchauffement de la glace génère un mouvement des molécules qui provoque le changement d’état de la matière, la transformation consiste en une mise en mouvement intermédiaire de ce qui est à transformer. Ce déséquilibre originel de la transformation, cette impulsion première, est la condition même de la possibilité du changement. L’équilibre primitif étant rompu, une nouvelle organisation doit se dessiner pour atteindre à un nouvel équilibre.

La transformation induite par l’innovation

Or, transformer, ce n’est pas simplement déstabiliser, mais viser un certain point d’arrivée. L’innovateur doit chercher à atteindre un objectif de transformation. Il ne cherche pas à provoquer un déséquilibre qui engendrerait un nouvel état par hasard, mais au contraire, il cherche une transformation dirigée.

L’introduction de l’aviation sur le théâtre des combats de la Première Guerre Mondiale vise ainsi à provoquer de nouveaux usages, tant comme machine de combat, mais aussi comme outil de surveillance et d’alerte. Si cette utilisation de l’avion peut être considérée comme une innovation, alors, les nouveaux usages décrits dérivent d’une volonté réelle d’obtenir une modification des comportements guerriers. Au-delà de celui des As qui gagnent leurs galons de combattants et introduisent des coutumes que les pilotes respectent encore de nos jours, l’occupation des airs à des fins de surveillance, de bombardements, de correspondances rapides répond à un changement profond et voulu de la manière de guerroyer.

L’innovation vise donc le déséquilibre primitif comme moteur d’un basculement vers un nouvel état et tend à provoquer le changement dans une direction souhaitée. Il s’agit bel et bien d’atteindre une nouvelle situation favorable aux desseins de l’innovateur. Si celui-ci vise le profit économique, pour se référer à la définition de l’innovation de J. Schumpeter, alors la transformation induite par l’innovation doit rencontrer un public, une clientèle. Pour cela, il faut que le produit génère un comportement d’achat lié à une modification du comportement introduite par le produit lui-même. Si le téléphone portable a connu un tel succès, c’est que la possibilité de joindre quiconque en mobilité est devenue un comportement usuel. Il y a eu bien des réticences avant que ce comportement ne devienne une quasi-norme, de la même manière que l’usage de l’internet mobile dans les transports en commun n’a pas été immédiat.

La transformation induite par l’innovation, initiée par elle, doit donc aboutir à une situation cible au travers du processus de modification progressive, d’actualisation permanente. C’est ce pouvoir déstabilisant que semble porter l’innovation. Une nouveauté qui ne provoque pas de déstabilisation téléologique ne semble pas pouvoir être qualifiée d’innovation. L’innovation doit provoquer un déséquilibre créateur d’un nouvel ordre.

L’acceptation sociale

Mais ce nouvel ordre ne dépend pas uniquement de l’impulsion donnée. L’innovation comporte cette caractéristique essentielle de la déstabilisation, mais n’a pas le pouvoir de mener à son terme la transformation. Cela est inhérent sans doute à ce qu’est une transformation, c’est-à-dire que la transformation dépasse en échelle le simple changement. Transformer, c’est changer de manière importante quelque chose, de sorte qu’à la fin du processus, elle est méconnaissable car elle a changé de forme, comme la chenille devenue papillon.

Pour que la transformation soit complète, il faut certes l’impulsion de la nouveauté, mais aussi un changement d’échelle qui correspond à un changement d’intensité de la modification. Or, cette modification d’échelle ne dépend pas du pouvoir même de l’innovation, mais d’une acceptation sociale du changement qui agit comme une caisse de résonance du changement et participe à sa diffusion et donc à la multiplication de la transformation. Ainsi en est-il de la téléphonie mobile : à partir du moment où un nombre suffisant de personnes ont adopté le comportement d’appeler en itinérance des correspondants, ce qui n’était alors qu’un changement de comportement s’est mué en transformation par la diffusion de la pratique.

L’acceptation sociale, c’est donc le mécanisme qui finalise la transformation provoquée par l’innovation3. C’est ce qui va permettre de dégager un nouvel ordre, une nouvelle stabilité qui soit le point d’arrivée de l’innovation.

Transformation et inattendu

Toutefois, si l’innovation provoque une impulsion qui vectorise le changement en espérant que sa diffusion la mue en transformation, rien n’assure l’innovateur que l’état visé soit la seule conséquence de l’introduction de son produit. En effet, l’introduction de téléphones portables n’a pas seulement modifié le comportement lié à l’usage de la téléphonie, elle a aussi modifié le type de rapports entretenus entre les individus eux-mêmes et qu’a décrit Maurizio Ferraris. La transformation par l’innovation peut donc engendrer des transformations corolaires inattendues.

Ce sont ces modifications périphériques qui peuvent provoquer des distorsions entre ce que visait l’innovateur et la transformation réelle qui advient, de sorte que l’innovation contient en elle une faculté de déséquilibre qu’elle ne semble être en capacité de mesurer par elle-même.

 

 

Si donc la transformation est ce que recherche l’innovation, celle-ci ne peut être qu’un élément déclencheur de déstabilisation qui ne provoque de transformation que dans la mesure où le relais de l’acceptation sociale agit comme amplificateur de la modification amorcée. Pour autant, cet effet amplificateur est susceptible de provoquer des transformations supplémentaires qui ne sont pas nécessairement souhaitées et attendues.


  1. Rappelons qu’à l’origine, les premiers modèles de smartphones à forte diffusion, dont l’iPhone d’Apple, n’ont été commercialisés qu’au fur et à mesure, générant des attentes longues des consommateurs pouvant aller jusqu’à plusieurs mois.
  2. Voir notamment FERRARIS, Maurizio et ECO, Umberto. T’es où ?: ontologie du téléphone mobile. Trad. par Pierre-Emmanuel DAUZAT. Paris, France : A. Michel, DL 2006, DL  , cop. 2006 2006. ISBN 978-2-226-17104-7
  3. Un prochain billet devra analyser en détail ce qu’est ce mécanisme
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La question des luddites https://atelierlagon.hypotheses.org/197 https://atelierlagon.hypotheses.org/197#comments Wed, 31 Oct 2018 07:42:42 +0000 https://atelierlagon.hypotheses.org/?p=197 Dès lors que l’on s’interroge sur l’innovation et la technique, surgit le spectre du combat entre technophobes et technophiles, conservateurs et progressistes, luddites et entrepreneurs. Cette figure du luddite, honnie par les partisans d’une innovation permanente et inéluctable, a été résumée à un acte destructeur jugé passéiste, sans pourtant que soit nécessairement interrogé le fond sociétal et politique qui sous-tend l’action.

Rappelons tout d’abord qui sont les luddites1. Au début du XIXème siècle, un conflit d’importance naît dans les ateliers de filature anglais autour d’une innovation : le métier à tisser. Les artisans anglais comprennent vite que l’introduction de ces machines pour travailler la laine et le coton représente un danger mortel pour leurs activités propres. Aussi se révoltent-ils en 1811 et 1812 et s’en prennent aux machines dans les ateliers voisins. La destruction des métiers à tisser devient le symbole de leur lutte, de leur refus de l’innovation. Dire que le mouvement n’a pas gagné sa lutte est une gageure, mais il a engendré une descendance qui redevient vigoureuse aujourd’hui, en raison notamment du sentiment de la mise en place, pour paraphraser Deleuze2, d’une société de contrôle. 

Le luddisme est donc considéré comme le rejet de toute nouveauté, de tout “progrès” technologique. On se doute qu’être qualifié de luddite n’est pas forcément laudatif ! Surtout dans un contexte où l’innovation semble être partout, dans la technique, mais aussi dans l’enseignement, les processus… et où la méfiance face à la nouveauté devient quasi suspecte. Pourtant, il existe de grands exemples de méfiance face à la nouveauté et s’il ne faut en citer qu’un, rappelons Montaigne qui, dans les Essais3, écrit : “Je suis desgousté de la nouvelleté, quelque visage qu’elle porte, et ay raison, car j’en ay veu des effets tres-dommageables.”. Certes, Montaigne s’émeut ici des troubles de son époque et la nouveauté qu’il vise est la Réforme protestante qui, se répandant en Guyenne dont il est une figure politique marquante, apporte des modifications profondes dans le paysage politique et le rapport de chacun au pouvoir. La Réforme, “tolérée”4 par plusieurs édits, rejetée par autant de révocations, entraîne, dans les luttes provoquées par la résistance du clan catholique, une désacralisation de la figure monarchique et donc une ré-humanisation de la personne royale qui devient membre d’une faction et non le rassembleur d’une communauté. Pire, elle atteint à l’image même de la loi qui devient elle-même partisane. Plus que le changement du culte sur lequel Montaigne ne s’exprime pas5, c’est la transformation de la société et de ses fondements qui le préoccupe et qu’il dénonce. L’innovation protestante, dans le contexte français du XVIème siècle français entraîne une transformation du lien entre les sujets et le Roi, au point même de générer un mouvement monarchomaque qui s’appuiera notamment sur le célèbre texte d’Estienne de la Boétie, le Discours de la servitude volontaire.

Ce n’est donc pas précisément la nouveauté en elle-même que rejette Montaigne plutôt que ses conséquences. Il nous faut analyser plus en détail cette notion de rejet de la nouveauté.

Le rejet de la nouveauté

Il apparaît dès l’abord que le rejet de la nouveauté doit s’entendre de plusieurs manières. Il y a d’abord le rejet consécutif au changement radical de façon de faire. Il s’agit ici d’une forme de conservatisme : toute forme de nouveauté est proscrite car source de maux divers, justifiés ou non. C’est le rejet final de Ravage de Barjavel par lequel s’exprime aussi la crainte d’un future et inévitable cataclysme. C’est la même inquiétude chez Lucrèce, De rerum natura : chaque nouvelle invention se solde par celle d’une nouvelle violence. Il s’agit donc d’un rejet complet, définitif, d’une manière de tourner le dos à tout ce qui modifie la façon d’être, de vivre ou de penser.

Il peut ensuite y avoir un rejet par inutilité ou désintérêt : c’est souvent celui des plus âgés qui ne comprennent pas l’intérêt de tel ou tel nouvel objet que pourtant le reste de la société s’arrache. C’est sans doute alors que ces personnes appartiennent à un autre système technique, “dépassé” diront certains6. Il s’agit cette fois d’un rejet par inadéquation de la nouveauté au mode de vie, d’être ou de penser de certains.

Peut-être assez proche est le rejet de la technologie due à sa complexité perçue plus que vécue. C’est le rejet parce que la nouveauté est inquiétante, qu’elle met en jeu des compétences à acquérir. Elle nécessite alors un effort, une forme de remise en cause de sa manière de vivre, d’un confort. Et puisqu’on a déjà vécu sans le recours à ces nouveautés, on n’est pas obligé de les utiliser. En quelque sorte, c’est un rejet qui dit que le jeu n’en vaut pas la chandelle. Nous connaissons tous des personnes qui ont cette attitude devant un ordinateur, un four micro-ondes, ou face aux assistances dans les véhicules.

Il existe encore une autre forme de rejet de la nouveauté qui nous semble être plus en rapport avec celui des luddites et qui est le rejet politique de la nouveauté. Il ne s’agit pas d’un rejet de la nouveauté en elle-même (première forme de rejet), mais des conséquences politiques, économiques ou sociales de l’usage de la nouveauté. C’est la dénonciation d’un système causal qui, à l’apparition d’une technologique  nouvelle par exemple, fait correspondre une modification de la société jugée comme non souhaitable. On peut y voir une forme de conservatisme quant à un état de la société jugé comme optimal, mais c’est vraisemblablement une opposition plus intéressante : il ne s’agit pas de s’opposer à l’évolution de la société, ou plutôt à toute évolution de la société, mais seulement à des évolutions portées par d’autres intérêts que le simple développement technologique. C’est un rejet qui porte sur les motivations de la nouveauté plus que sur la nouveauté elle-même.

En effet, le luddite ne rejette pas toute nouveauté, mais seulement celle qui va provoquer la disparition de métiers, d’emplois, sans que le responsable de la nouveauté n’ait d’obligation à gérer l’éventuelle transition. Du point de J. Schumpeter7, c’est tout naturel. Par le phénomène de destruction créatrice, l’innovation provoque la disparition d’un certain nombre de choses (objets, métiers, emplois, procédures…), mais pour en faire apparaître d’autres. Mais cette apparition, si elle est causée par l’innovation, échappe à l’entrepreneur : il ne lui appartient pas de se substituer à la société pour former à de nouveaux métiers ou de gérer les conséquences de la disparition des métiers.

Le rejet du luddite n’est donc pas simplement le rejet d’un technophobe conservateur, mais plutôt celui d’un citoyen qui constate que l’évolution a des conséquences qui ne sont pas à supporter par le réel responsable de la situation, mais par l’ensemble de la société. Ce que le luddite critique, ce n’est pas la nouveauté, mais ses effets et la limite de responsabilité de l’innovateur. Celui-ci va en effet tirer profit de la nouveauté quand la société politique va subir ses conséquences.

Qu’est-ce donc qu’être luddite ?

Etre luddite, ce n’est donc pas simplement être partisan d’un statu quo, mais c’est exiger que dans la nouveauté soit incluse la nécessité de gestion de la transition, et donc un principe de responsabilité. Il s’agit de penser que l’intérêt particulier ne peut strictement prévaloir sur l’intérêt collectif. Dans un système déresponsabilisant, l’innovateur voit sa “solidarité” (ou responsabilité) diluée dans la masse des contribuables qui vont devoir payer la note de la transition, et l’innovateur n’a aucun besoin de penser la conséquence de son innovation au-delà de son intérêt propre. C’est la doctrine d’une forme de libéralisme : l’intérêt libre individuel prône sur toute organisation communautaire et il appartient à l’Etat de gérer les conséquences de la nouveauté sans entraver les entrepreneurs.

Le luddisme est donc une doctrine de la responsabilité politique contre une doctrine de la liberté économique aveugle. Il réclame l’apparition et la mise en œuvre d’une innovation réellement responsable. C’est finalement ce que demande l’innovation elle-même8, du moins en apparence. Car l’entreprenariat refuse d’être “bridé” par des normes ou des lois qui l’empêcherait de continuer sa course individuelle au profit. Devoir gérer des conséquences environnementales en s’interrogeant sur le recyclage des objets est acceptable, mais s’interroger sur les conséquences sociales ou politiques, cela n’est plus du champ de l’innovateur. Une fois de plus, c’est le concept de destruction créatrice qui permet de se dédouaner : l’innovation détruit pour mieux créer ailleurs et c’est à la société de savoir se débrouiller avec cette modification, cette transformation structurelle.

C’est précisément cette approche que réfute le luddisme en réclamant une régulation de l’innovation, l’application d’un concept strict de responsabilité pour que ce ne soit pas à la société de subir des conséquences néfastes de l’innovation. Pour certains, l’innovation est question de survie de l’espèce, mais pour le luddite, nous n’en sommes plus (ou pas encore) à devoir sacrifier des pans entiers de la société pour bénéficier de nouveaux produits. La transformation appelle la gestion de la transition : c’est le principe de responsabilité que réclament les luddites.


  1. Le terme lui-même viendrait du nom d’un des ouvriers, John ou Ned Ludd, destructeur de deux métiers à tisser trente ans avant la révolte
  2. Voir notamment DELEUZE, Gilles, Pourparlers: 1972-1990, Paris, France : les Éd. de Minuit, 2003, ISBN 978-2-7073-1842-8 in “Post-scriptum sur les sociétés de contrôle”
  3. MONTAIGNE, Michel de, Les essais, Paris, France : Gallimard, 2007, ISBN 978-2-07-011505-1, livre I, Chap XXIII, p. 119
  4. Rappelons que la “tolérance”, au XVIème siècle, n’est pas précisément bienveillante : on tolère un mal, c’est-à-dire qu’on en supporte la douleur, sans l’accepter pour autant
  5. Plusieurs membres de sa famille passeront à la religion réformée et lui-même avouera avoir hésité à embrasser une démarche qu’il ne juge pas fondamentalement mauvaise. Mais c’est le trouble public qui emportera sa décision et fera de lui un intermédiaire entre les deux camps en vue de tenter de trouver un accord pacifique
  6. Voir par exemple VIAL, Stéphane et LÉVY, Pierre, L’être et l’écran : comment le numérique change la perception, Paris, France : Presses universitaires de France, 2013, ISBN 978-2-13-062170-6 p. 146 : Vial y parle de “matrices ontophaniques datées”.
  7. SCHUMPETER, Joseph Alois, Théorie de l’évolution économique : recherches sur le profit, le crédit, l’intérêt et le cycle de la conjoncture, Trad. par Jean-Jacques ANSTETT, Paris, France : Dalloz, impr 1999, ISBN 978-2-247-03765-0
  8. PAVIE, Xavier, L’innovation à l’épreuve de la philosophie: le choix d’un avenir humainement durable ? Paris, France : PUF, 2018, ISBN 978-2-13-078765-5
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L’innovation en question https://atelierlagon.hypotheses.org/6 https://atelierlagon.hypotheses.org/6#comments Wed, 24 Oct 2018 11:34:53 +0000 https://atelierlagon.hypotheses.org/?p=1 Le projet en cours s’organise autour d’un atelier de recherche initié à l’université de Rennes 1, dans l’UFR de Philosophie, pour traiter de la question : “qu’est-ce que l’innovation ?”. Notre démarche est donc, sous contrôle de doctorants et de l’équipe de recherche de l’UFR, une initiation d’étudiants volontaires pour mener une recherche appliquée en vue de développer l’activité de recherche auprès des étudiants. Notre objectif est donc à la fois pédagogique et philosophique. Le thème abordé, l’innovation, est de ces thèmes que tout le monde pense saisir et qui pourtant, lorsqu’on les soumet à l’exercice de définition, semble échapper au sens commun. Pourtant, l’innovation est un leitmotiv de nos sociétés contemporaines, comparable à la vertu au temps de Socrate. La tentative de définition se heurte à l’étendue du champ d’application du concept, à sa généralité d’utilisation, et ouvre la perspective de nombreuses réflexion d’ordre épistémologique, esthétique, éthique et même ontologique.
L’ouverture d’un carnet permettra donc à la fois de publier l’avancée de nos recherches, outil de synchronisation, de partage et d’échanges entre acteurs de l’atelier de recherche, mais aussi de publier des articles complémentaires à notre travail et un état complet de nos découvertes. Nous attendons de ce carnet à la fois ce qui touche à l’organisation propre de la recherche au travers des moyens numériques, mais aussi le potentiel d’ouverture pluridisciplinaire avec d’autres acteurs de la recherche dans d’autres disciplines.

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